SENTV.info – Il est au premier rang dans la lutte contre le terrorisme en Afrique. Le chef de l’Etat, Macky Sall, ne rate jamais l’occasion de rappeler à ses pairs que c’est au continent africain de prendre en charge cette question sécuritaire. Pour certains, cette attitude du chef de l’Etat sénégalais s’explique par une volonté de rattrapage pour avoir manqué le G5 Sahel. Pour d’autres, le nouvel intérêt croissant pour la double dimension géopolitique et prospective de la crise au Sahel est dicté par une bataille de leadership.
L’appel résonne encore sur les bords du Nil. La voix imposante, le président de la République, Macky Sall, entouré des présidents du Niger, du Tchad, du Nigeria, des Comores et de l’Egypte, fait un ultime appel aux Etats africains pour les inciter à mener eux-mêmes le combat contre le terrorisme. C’était mercredi 11 décembre 2019, en Egypte au forum d’Assouan sur la paix, la sécurité et le développement durable. Tel un chef de guerre, Macky Sall a enfilé une posture de meneur de troupes dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Le chef de l’Etat a appelé ses pairs à une appropriation de la menace sécuritaire par les Etats africains eux-mêmes. «C’est devenu vital», insiste Macky Sall. Dans la foulée, il détaille : «Le continent est bien évidemment capable de trouver des solutions à ses problèmes, y compris ceux ayant trait à la sécurité. Malheureusement, l’Afrique subit les effets des influences négatives qui nous sont extérieures. C’est le cas de la Libye. On ne peut pas continuer à accepter que la recherche de solutions en Libye écarte l’Ua. Si l’Union africaine avait été écoutée, le problème libyen ne se serait pas posé de cette façon. Personne ne peut faire la paix à notre place. On ne peut pas dans la région du Sahel, dans le bassin du Lac Tchad où des pays se battent quotidiennement…le Nigeria qui fournit des efforts énormes, le Tchad qui a consenti beaucoup de sacrifices en vies humaines et en budget pour accompagner la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, nous ignorer. Tout effort, que ce soit Cedeao, Ua, Nations Unies, partenaires extérieurs, doit s’appuyer et doit venir appuyer les efforts nationaux et africains.» Une déclaration qui s’inscrit dans le sillage de ses dernières interventions sur les méthodes de lutte contre le terrorisme. Une nouvelle posture de Macky Sall que le journaliste Cheikh Yérim Seck analyse sous deux angles : «Le Sénégal court un réel risque terroriste. Macky Sall se rattrape après un impair : pour n’avoir pas fait partie des Etats membres du G5 Sahel», explique Cheikh Yérim.
Cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité, qui regroupe la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, le G5 Sahel ne semble pas être la réponse adéquate contre le terrorisme. Même si le Sénégal n’est pas membre du G5 Sahel, Macky Sall est conscient qu’aucun pays n’est à l’abri d’une attaque terroriste. «Les périls transcendent les frontières. En Afrique ou hors du continent, nous sommes tous menacés. Nous avons tous intérêt au maintien de la paix. Et pour maintenir la paix, faudrait-il d’abord la rétablir, pour ce qui concerne le Sahel. Et c’est l’un des défis qui s’oppose au multilatéralisme», disait-il au forum. C’est en ce sens que Macky Sall avait présidé une réunion sur le financement de la sécurité dans l’espace Uemoa. L’objectif était de voir comment mobiliser la somme de 500 millions de Dollars pour participer à la lutte contre le terrorisme. Pour le chef de l’Etat Macky Sall, par ailleurs président du Comité de haut niveau sur la sécurité et la paix de l’Uemoa, «c’est une question de vie ou de mort». Mais cet engagement de Macky Sall cache surtout, selon toujours le journaliste Cheikh Yérim Seck, «une volonté du Sénégal d’exister à nouveau, après avoir commis l’erreur d’avoir été inexistant au sein du G5 Sahel». Une sous-région où le Sénégal semble être un maillon solide. De l’avis du journaliste et analyste politique, Babacar Justin Ndiaye, le Sénégal a une carte à jouer au Sahel pour lui-même et pour l’Afrique de l’Ouest. Il dit : «Si le Mali s’affaisse, toute la région de Kayes se déversera dans la région de Tambacounda. Avec deux ou trois millions de personnes subitement réfugiées sur son sol, le Sénégal dira adieu aux rêves d’émergence et sombrera dans les cauchemars… du naufrage économique. Sans parler du possible dynamitage du barrage de Manantali par des islamistes allergiques aux fleurons d’une certaine technologie occidentale.»
CODOU BADIANE