Violences de 2021 à 2024 : le procureur ouvre une enquête judiciaire sur les 80 morts, l’ombre de l’ancien régime plane

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SENTV : Une nouvelle page s’ouvre dans le dossier explosif des violences politiques ayant secoué le Sénégal entre 2021 et 2024. Le procureur de la République, Ibrahima Ndoye, a été officiellement saisi pour ouvrir une enquête judiciaire sur les morts et les exactions survenues lors des manifestations de cette période, qui ont causé la mort d’au moins 80 personnes, selon les chiffres communiqués par plusieurs organisations de défense des droits humains.

La requête, adressée par le Garde des Sceaux Ousmane Diagne, marque un tournant judiciaire majeur et pourrait potentiellement mettre en cause de hautes personnalités de l’ancien régime, y compris des membres du gouvernement de Macky Sall, d’anciens responsables sécuritaires, voire l’ex-chef de l’État lui-même.

Une procédure encadrée, des accusations lourdes

Selon les informations de L’Observateur, qui a obtenu des éléments exclusifs, l’enquête pourrait porter sur des faits qualifiés de meurtres, tortures, assassinats, et, si les éléments sont réunis, de crimes contre l’humanité. Une éventualité qui ouvrirait la voie à des poursuites internationales si le dossier n’est pas jugé au niveau national.

Bien que la loi d’amnistie adoptée en 2024 ait tenté de clore juridiquement les violences liées aux manifestations politiques, les infractions les plus graves — notamment les crimes de sang et les actes assimilables à des violations graves des droits de l’Homme — restent juridiquement imprescriptibles et non amnistiables.

Qui portera la responsabilité ?

L’enquête, confiée au tribunal de grande instance de Dakar, se veut rigoureuse et méthodique. Elle s’appuiera sur des témoignages de familles de victimes, des rapports médicaux, des enregistrements vidéo, ainsi que les données d’organisations nationales et internationales.

« Rien ni personne ne sera épargné par cette instruction si les faits sont établis. La chaîne de commandement sera scrutée dans les moindres détails », confie une source judiciaire proche du dossier. Des questions clés devraient être explorées :

  • Qui a donné les ordres d’intervention ?

  • Y a-t-il eu des instructions illégales ou des dérapages couverts en haut lieu ?

  • L’usage de la force a-t-il été proportionné ?

  • Des cas de torture ou de traitements inhumains ont-ils été systématiques ?

Premiers témoignages attendus

D’après nos sources, les premières convocations sont attendues dans les jours à venir. En priorité, les proches des victimes, les blessés et d’anciens détenus seront entendus. Certains affirment avoir été torturés ou humiliés pendant leur détention dans les locaux de certaines brigades et commissariats, notamment lors des émeutes de mars 2021, juin 2023 et février 2024.

En parallèle, le ministère de la Justice aurait engagé des consultations avec des experts en droit pénal international pour garantir la recevabilité juridique de l’enquête, face à d’éventuelles critiques politiques ou recours en nullité.

Un test pour l’État de droit

Cette initiative judiciaire, inédite par son ampleur et sa cible potentielle, s’inscrit dans la dynamique de rupture et de reddition des comptes promise par le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko. Pour les familles des victimes, longtemps laissées sans réponse, il s’agit d’un espoir de vérité et de réparation, après des années d’attente et de frustration.

Mais cette traque judiciaire s’annonce politiquement sensible. Elle pourrait raviver les tensions entre l’actuel pouvoir et l’ancien régime, tout en posant une épreuve majeure pour l’indépendance de la justice sénégalaise.

La rédaction de la SENTV.info 

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