Justice post-crise au Sénégal : Juan Branco interpelle Diomaye, Sonko et le gouvernement sur leurs responsabilités
SENTV : L’avocat franco-espagnol Juan Branco a relancé le débat sur la justice pour les victimes des violences politico-judiciaires survenues au Sénégal entre 2021 et 2023. Dans une tribune diffusée ce samedi sur ses réseaux sociaux, l’ancien conseiller juridique d’Ousmane Sonko a solennellement interpellé les plus hautes autorités sénégalaises, au premier rang desquelles le président Bassirou Diomaye Faye, le Premier ministre Ousmane Sonko et le ministre de la Justice El Malick Ndiaye.
Appel à une justice de rupture
Selon Juan Branco, l’heure est venue pour les nouvelles autorités, issues des urnes après une transition politique historique, d’engager une action judiciaire systémique pour répondre aux nombreuses exactions, arrestations arbitraires et pertes humaines recensées durant les années de crise.
« Il est dans les prérogatives du Président, du gouvernement et de l’Assemblée, de créer une juridiction spécialisée, mixte ou des commissions vérité et réconciliation », écrit-il.
CPI, commissions, archives : une feuille de route détaillée
Dans une déclaration structurée, l’avocat dresse une feuille de route précise :
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Saisine de la Cour pénale internationale (CPI), où le procureur en fonction, Karim Khan, est d’origine sénégalaise ;
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Création de commissions vérité et réconciliation à l’instar de celles mises en place en Afrique du Sud ou au Rwanda ;
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Ouverture des archives des ministères et de la Présidence pour faire toute la lumière sur les ordres donnés à l’époque ;
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Saisine de la justice française dans les cas impliquant des binational(e)s réfugié(e)s en France ou des complicités étrangères ;
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Mobilisation de moyens d’enquête et budgétaires spécifiques pour les tribunaux, les forces de l’ordre et le parquet ;
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Constitution de l’État sénégalais en partie civile, avec la désignation d’avocats par l’Agence judiciaire de l’État (AJE).
Une pression sur le pouvoir issu de la « révolution démocratique »
Depuis leur arrivée au pouvoir, Diomaye Faye et Ousmane Sonko ont promis de rétablir l’État de droit et de rendre justice aux victimes des violences politiques, notamment celles liées aux manifestations ayant suivi l’emprisonnement de Sonko ou la répression des mouvements contestataires.
Cependant, plusieurs mois après leur prise de fonctions, les démarches concrètes peinent à se matérialiser. Juan Branco, lui-même brièvement détenu au Sénégal en 2023, considère qu’il ne peut y avoir de réconciliation sans vérité.
« Il appartient aux autorités sénégalaises et à son peuple de décider de la marche à suivre, et d’assumer ou non leurs responsabilités », déclare-t-il, rendant hommage aux « martyrs » et aux « courageux engagés » de ces années de lutte.
Une demande de justice encore insatisfaite
Depuis 2021, plus de 60 morts ont été recensés lors des affrontements entre manifestants et forces de sécurité, selon des sources concordantes. Plusieurs ONG locales et internationales, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont appelé à l’ouverture d’enquêtes indépendantes et impartiales. Jusqu’ici, aucun procès d’envergure n’a eu lieu.
Une tribune qui relance le débat sur la mémoire collective
L’intervention de Juan Branco survient alors que le gouvernement cherche à stabiliser un climat socio-politique encore fragile, avec des attentes fortes de la part de la société civile. Son plaidoyer met le pouvoir face à ses promesses, à un moment crucial pour l’ancrage d’une justice transitionnelle crédible au Sénégal.
La rédaction de la SENTV.info