SENTV : La présence d’Absa Faye, deuxième épouse du président Diomaye, et de sa sœur Oumy Faye, épouse de l’ex-ministre et cadre de l’APR Me Oumar Youm, lors de la visite présidentielle à Touba, continue d’alimenter les débats. Entre critiques internes à Pastef et interrogations citoyennes, cette affaire illustre les défis d’une gouvernance sous haute surveillance.
Ce qui n’était qu’une image en apparence banale s’est transformé en séquence politique scrutée. Absa Faye, deuxième épouse du président Bassirou Diomaye Faye, est apparue au cœur de la délégation présidentielle lors de la visite officielle à Touba, en compagnie de sa sœur, Oumy Faye. Cette dernière n’est autre que l’épouse de Me Oumar Youm, haut cadre de l’Alliance pour la République (APR), l’ex-parti au pouvoir sous Macky Sall. Un détail qui n’a pas échappé aux observateurs, encore moins aux militants de la coalition au pouvoir, Pastef–Les Patriotes.
Une image lourde de symboles
Depuis sa publication, la photo a suscité une vague de réactions, principalement au sein des réseaux militants. En cause, l’incongruité perçue d’une telle proximité entre une figure du cercle présidentiel et l’épouse d’un ancien ministre de Macky Sall, dans un contexte politique où la rupture avec les pratiques de l’ancien régime était l’un des principaux engagements du président Diomaye.
La frontière floue entre privé et pouvoir
Pour le sociologue Abdoulaye Cissé, cette situation révèle « la fragilité de la ligne séparant sphère privée et pouvoir politique au Sénégal ». Interrogé par L’Observateur, il rappelle que « les épouses de chefs d’État, bien que non élues, sont souvent vues comme influentes dans l’ombre. Elles incarnent une forme de pouvoir doux, mais réel ».
L’expression wolof wax taan ak sama njégenaay (discuter avec mon oreiller) illustre bien, selon lui, cette conception du rôle de la conjointe présidentielle comme première confidente du chef de l’État.
Cissé avance deux lectures possibles : soit Absa et Oumy Faye ont toujours été proches, ce qui rend leur présence conjointe logique ; soit cette relation s’est resserrée depuis l’élection, ce qui, dans ce cas, légitimerait les interrogations sur l’influence potentielle d’anciens cercles du pouvoir.
Communication présidentielle sous pression
Pour Fernand Mendy, spécialiste en communication publique, les critiques ne sont pas dénuées de sens. « Cette photo ravive une mémoire encore vive, marquée par une décennie de gouvernance où les logiques familiales étaient omniprésentes. Aujourd’hui, les citoyens attendent de la cohérence entre le discours de rupture et les actes. »
Mendy insiste sur la nécessité d’une stratégie de communication claire et structurée : « Toute présence dans l’espace public présidentiel est porteuse de symboles. Il revient à la présidence d’expliquer, d’anticiper, et surtout de rassurer. »
Dérive clanique ou vigilance démocratique ?
Plus nuancé, le politologue Assane Samb appelle à relativiser. Pour lui, « cette polémique est symptomatique d’une hyper-politisation du moindre détail. Absa Faye est une citoyenne libre, et en l’absence de statut officiel de Première dame, elle n’est tenue à aucun protocole particulier. »
Il met en garde contre une forme de « chasse aux sorcières » ciblant la famille présidentielle. « Ce type de débat, s’il devient obsessionnel, risque de détourner l’attention des vrais enjeux : la gouvernance, la justice, les réformes économiques, et les responsabilités face aux drames passés, notamment les 86 morts recensés entre 2021 et 2024. »
Une République en quête de repères
La séquence révèle en creux une attente forte : celle d’un exercice du pouvoir conforme aux promesses de transparence, de rigueur et d’exemplarité. À peine installé, le président Diomaye Faye doit déjà composer avec une opinion hypersensible à toute symbolique renvoyant aux pratiques du passé.
Plus qu’un simple fait divers politique, l’épisode Absa-Oumy Faye interroge les lignes de tension entre vie privée, loyautés familiales et rigueur républicaine. Il s’agit là d’un test précoce pour un pouvoir élu avec l’ambition d’incarner une autre manière de gouverner.
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La rédaction de la SENTV.info