SENTV : Le débat sur la dette « hors bilan » du Sénégal, estimée à 7 milliards de dollars (environ 4 200 milliards de FCFA), continue de susciter une onde de choc à la fois dans l’opinion publique et dans les milieux économiques. Après plusieurs jours de silence institutionnel, le gouverneur de la BCEAO, Jean-Claude Kassi Brou, a apporté des clarifications attendues sur le rôle de l’institution dans la chaîne de gestion de la dette publique.
Réagissant à la suite d’un rapport de la Cour des comptes du Sénégal, qui révèle l’existence d’un important passif financier non déclaré dans les documents budgétaires officiels, le gouverneur a pris soin de dissocier la Banque centrale de toute responsabilité directe dans cette affaire.
« Je ne sais pas répondre à cette question. Nous n’avons pas ces informations », a déclaré M. Kassi Brou, en réponse à une question sur la façon dont une telle dette a pu être dissimulée.
L’institution d’émission monétaire, souvent perçue comme un acteur clé du circuit financier des États membres de l’UEMOA, a été évoquée dans les débats sur le manque de transparence budgétaire. Jean-Claude Kassi Brou s’est montré ferme sur les limites du rôle de la BCEAO :
« La BCEAO n’a pas été pointée du doigt. Le FMI, avec lequel nous sommes en contact permanent, ne nous en a pas parlé. La mission principale de la Banque centrale est de gérer la monnaie, la politique monétaire, la liquidité, et d’assurer l’intégrité du système bancaire et financier. »
Il a aussi rappelé que si les ressources extérieures passent effectivement par les guichets de la BCEAO, l’institution ne gère pas les emprunts eux-mêmes, ni leur affectation :
« Lorsque les États mobilisent des ressources à l’extérieur, les devises sont logées à la Banque centrale et les États reçoivent en contrepartie des francs CFA. Mais la BCEAO n’a pas la responsabilité de gérer les budgets et la dette des États. »
Alors que les inquiétudes sur la capacité du Sénégal à faire face à ses échéances se multiplient, notamment si le marché régional de l’UEMOA devenait moins favorable, Jean-Claude Kassi Brou a appelé au calme en rappelant la logique de solidarité propre à l’union monétaire :
« La force de l’union monétaire, c’est la solidarité. Nous mutualisons les risques, mais aussi les avantages. »
Cependant, il a précisé que l’analyse de la soutenabilité des finances publiques reste l’apanage des États et de leurs partenaires bilatéraux ou multilatéraux, non de la BCEAO.
Une situation isolée, selon la BCEAO
Pour éteindre toute spéculation sur des cas similaires ailleurs dans la sous-région, le gouverneur s’est voulu rassurant : « Rien n’indique que cela puisse se reproduire. »
Ce discours vise à préserver la confiance dans la stabilité de la zone UEMOA, dans un contexte où les marchés restent attentifs à tout signe de déséquilibre macroéconomique.
En toile de fond : une exigence de transparence budgétaire
Cette sortie du gouverneur intervient alors que plusieurs économistes et institutions réclament plus de rigueur dans la comptabilité publique et une meilleure traçabilité des engagements financiers des États. Le rapport de la Cour des comptes a notamment pointé du doigt des pratiques de gestion non conformes à la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ce qui a alimenté les soupçons d’endettement parallèle, dissimulé ou mal documenté.
Pour nombre d’observateurs, cette affaire pourrait marquer un tournant dans les exigences de redevabilité au sein de l’UEMOA, où l’enjeu n’est pas seulement financier, mais aussi institutionnel.
La rédaction de la SENTV.info