Transports urbains sous tension : le conflit entre bus Tata et Jakartamen met les autorités face à leurs responsabilités

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SENTV : Le secteur des transports urbains sénégalais traverse une crise latente qui vient une nouvelle fois d’éclater à Rufisque. Suite à un accident mortel impliquant un bus Tata de l’AFTU et un conducteur de moto Jakarta, la tension est montée d’un cran entre les deux principaux acteurs de la mobilité urbaine populaire : les chauffeurs de bus et les « Jakartamen ». Cet épisode dramatique n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une dynamique de conflit récurrent et met en lumière les failles criantes de régulation et de sécurité dans le transport urbain. Les autorités sont désormais directement interpellées.

Les motos Jakarta — autrefois marginales — sont devenues, en moins d’une décennie, un pilier de la mobilité urbaine, surtout dans les banlieues comme Pikine, Guédiawaye, Rufisque ou Keur Massar. Leur rapidité et leur flexibilité leur ont permis de combler les vides laissés par les réseaux de transport public saturés ou mal desservis.

Face à cela, les bus AFTU, dont les fameux « Tata », restent le principal moyen de transport de masse. Mais la multiplication des motos Jakarta, souvent conduites sans véritable formation, a rendu la cohabitation sur la voie publique de plus en plus périlleuse. Les incidents sont fréquents : accrochages, altercations, accidents mortels.

L’affaire de Rufisque — où un Jakartaman a trouvé la mort, provoquant une réaction violente contre les bus Tata — en est une illustration tragique.

Derrière cet affrontement apparent entre « Jakartamen » et chauffeurs de bus se cache un malaise plus profond : celui d’un secteur informel en manque de reconnaissance, confronté à un secteur semi-formel sous pression.

Les jeunes conducteurs de Jakarta, souvent sans emploi stable ni encadrement légal, voient dans cette activité une bouée de sauvetage économique. De leur côté, les conducteurs de l’AFTU dénoncent des conditions de travail précaires, une sécurité inexistante et une concurrence déloyale.

Les deux camps ont donc leurs doléances. Le climat est tendu, les incidents s’accumulent, et chaque accident devient une étincelle potentielle.

Les autorités sommées d’agir

Les appels à l’intervention de l’État se multiplient. Le préfet de Rufisque, Magatte Diouck, a fermement condamné les actes de vandalisme tout en appelant à une enquête sur les circonstances de l’accident. Mais au-delà des déclarations officielles, c’est l’ensemble du dispositif de gestion du transport urbain qui est mis en cause.

Les critiques sont claires :

  • Absence de régulation effective des motos Jakarta, qui opèrent en dehors de tout cadre légal clair.

  • Manque de formation et de sécurité pour les conducteurs de bus comme de motos.

  • Infrastructures routières inadaptées, souvent dépourvues de voies spécifiques ou de signalisation pour organiser le trafic mixte.

  • Silence des ministères compétents, malgré les alertes répétées des syndicats de transporteurs comme des collectifs de Jakartamen.

La dernière grève des travailleurs de l’AFTU, déclenchée après l’incident de Rufisque, est symptomatique de ce ras-le-bol généralisé. Ils réclament des garanties de sécurité, des sanctions contre les vandales, mais aussi une réforme structurelle du transport urbain.

Les tensions actuelles pourraient déboucher sur une crise plus vaste si rien n’est fait. Une paralysie du réseau AFTU — qui transporte des centaines de milliers de passagers par jour — affecterait directement l’économie urbaine. Une répression brutale contre les Jakartamen, en revanche, risquerait de déclencher des protestations sociales dans un contexte déjà fragile.

Des solutions existent pourtant :

  • Intégration progressive des motos Jakarta dans un cadre légal et fiscal.

  • Renforcement de la formation pour tous les conducteurs.

  • Création de couloirs dédiés, surtout dans les zones périurbaines.

  • Mise en place d’un organe de médiation entre les différents acteurs du transport.

L’incident de Rufisque est un signal d’alarme. La coexistence entre les différents moyens de transport ne peut plus être laissée à l’improvisation et à la loi du plus fort. L’État doit assumer son rôle de régulateur, avant que le conflit ne déborde et ne transforme les routes sénégalaises en zones de tension permanente.

Ce n’est plus simplement une affaire de bus contre motos. C’est désormais une affaire de gouvernance urbaine, de justice sociale et de sécurité publique.

Par la rédaction de la SENTV.info

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