Entre clashs virtuels et dérives numériques : quand certaines tiktokeuses sénégalaises posent un défi à la justice
SENTV : À l’ère des réseaux sociaux, certaines créatrices de contenu sénégalaises sur TikTok se retrouvent au cœur de polémiques croissantes : insultes publiques, humilitation en direct, promotion de comportements limites ou illégaux. Ces pratiques suscitent aujourd’hui l’inquiétude non seulement de la société civile mais aussi des autorités judiciaires, qui s’efforcent de rattraper la viralité numérique par des procédures légales.
Par ailleurs, dans une affaire plus grave encore, l’étudiante et utilisatrice de TikTok Ndèye Ndakhata Dione a été poursuivie pour propos « blasphématoires », injures à des figures religieuses, et diffusion publique susceptible de « mettre le feu au pays », selon le procureur.
Ces cas mettent en lumière un syndrome de l’instantanéité numérique : des contenus recherchés pour leur potentiel viral, souvent provocateurs, mais dont les conséquences dépassent largement l’univers virtuel et interrogent la responsabilité individuelle et collective.
Le rôle de la justice : plus que jamais en éveil
Face à ces dérives, la justice sénégalaise a commencé à se montrer ferme. Le procureur du tribunal de Dakar a annoncé qu’il « intensifie la traque des injures et des discours contraires aux bonnes mœurs sur les réseaux sociaux, notamment TikTok ».
Des condamnations existent déjà : plusieurs influenceurs ont été condamnés pour diffusion de discours contraires aux bonnes mœurs, parfois à de la prison ferme. Cela démontre que la liberté d’expression conserve ses limites, surtout quand elle s’exerce en dehors du cadre du respect des droits et de la dignité de l’autrui.
Pourquoi ces dérives ?
Plusieurs facteurs peuvent être avancés :
Le désir de visibilité et le calcul des « likes », parfois au détriment de la bienséance ;
L’absence de repères clairs quant aux frontières du discours acceptable sur les réseaux sociaux ;
Une régulation encore en chantier, alors que les plateformes sont globales mais les lois nationales restent locales.
L’étude consacrée à la violence verbale sur internet dans le contexte sénégalais relève :
« Le langage ordurier et injurieux, la raillerie publique, constituent des formes de violence verbale qui blessent moralement la personne visée. »
Le défi de la régulation numérique
La suspension de l’application TikTok en août 2023 soulignait déjà l’inquiétude des autorités face à la diffusion de « messages haineux et subversifs » via cette plateforme.
Mais la suspension d’un réseau ne suffit pas à régler durablement le problème. Il s’agit également de :
Former les jeunes utilisateurs aux enjeux éthiques et juridiques de leurs publications ;
Adapter la législation nationale à l’ère numérique, en conjuguant liberté d’expression et responsabilité ;
Donner aux victimes des outils de recours efficaces contre l’humiliation publique, la diffamation et l’incitation à la haine.
Le cas des tiktokeuses sénégalaises met en exergue un enjeu majeur : comment conjuguer liberté d’expression, créativité numérique et respect des droits individuels et collectifs ?
Il appartient à la justice de jouer son rôle de gardienne de l’ordre public et du respect des normes. À la société, de redéfinir collectivement quelles sont les limites acceptables dans un monde numérique ultra‑connecté. Et aux plateformes, d’assumer leur part de responsabilité dans la modération et l’alerte préventive.
En attendant, chaque vidéo virale, chaque live provocateur, peut devenir un nouveau terrain de conflictualité – entre visibilité, injure, dignité et justice.
La rédaction de la SENTV.info