Loi de finances 2026 : un “choc fiscal sans précédent” en vue, prévient l’économiste Seydina Alioune Ndiaye
SENTV : Dans un entretien à L’Observateur, l’économiste Seydina Alioune Ndiaye tire une alerte sévère sur la Loi de finances initiale (LFI) 2026, qu’il qualifie de « choc fiscal sans précédent ».
Selon lui, le Sénégal s’engage sur une voie extrêmement risquée, marquée par une hausse inédite de la pression fiscale de 3,9 points de PIB, dont plus de 92 % serait supportée par les ménages et les entreprises.
« Le gouvernement marche sur une corde raide. 2026 risque d’être plus dure que 2025 », avertit l’économiste.
D’après les chiffres analysés par M. Ndiaye, la stratégie budgétaire de l’État vise à ramener le déficit public de 12 % du PIB en 2024 à 5,37 % en 2026, puis à 3 % en 2027, conformément aux critères de convergence de l’UEMOA.
Pour atteindre cet objectif, les recettes fiscales devraient bondir de 23,5 %, atteignant 5 384 milliards de F CFA, grâce à une multiplication de taxes nouvelles : sur les jeux de hasard, le mobile money, les revenus salariaux et certaines importations.
Mais, selon l’économiste, cette approche présente un risque d’effet boomerang :
« La consolidation budgétaire est nécessaire, mais pas au prix d’une contraction économique qui étranglerait les contribuables », insiste-t-il.
Des ménages fragilisés et des entreprises sous pression
Pour Seydina Alioune Ndiaye, cette politique fiscale restrictive aura des répercussions directes sur le quotidien des Sénégalais.
L’expert estime que le pouvoir d’achat des ménages subira une nouvelle érosion, alors que l’inflation alimentaire, déjà évaluée à 36 % sur trois ans, risque de s’aggraver.
Les entreprises, quant à elles, seront confrontées à une hausse de la TAF (+56 %) et de l’impôt sur les salaires (+32 %), menaçant leurs marges et leur compétitivité :
« Dans un contexte de faible productivité et de demande interne fragile, ces hausses peuvent provoquer des fermetures d’usines ou des délocalisations vers des pays voisins », analyse-t-il.
L’économiste avertit que la dynamique d’investissement privé pourrait être « brisée » par ce fardeau fiscal excessif.
Selon M. Ndiaye, la LFI 2026 illustre un “budgétarisme fiscal étroit”, qui cherche avant tout à remplir les caisses de l’État sans créer les conditions d’une croissance inclusive.
Il rappelle que près de 90 % des activités économiques du pays relèvent du secteur informel, peu apte à absorber de nouvelles contraintes fiscales.
Avec une croissance hors hydrocarbures limitée à 2 % et une dette publique supérieure à 130 % du PIB, le risque de récession ou de cassure sociale est, selon lui, bien réel.
« Le Sénégal ne peut pas compter uniquement sur les revenus pétroliers pour équilibrer ses comptes. Sans politique de soutien à la production locale, le choc fiscal pourrait provoquer une contraction durable de l’économie », avertit-il.
Pour éviter le scénario du pire, Seydina Alioune Ndiaye plaide pour un redressement économique équilibré, combinant rigueur budgétaire et mesures sociales.
Il appelle notamment à :
une pédagogie fiscale pour expliquer les réformes ;
un dialogue renforcé avec le secteur privé ;
une relance ciblée de l’investissement public ;
et une diplomatie économique proactive pour regagner la confiance des partenaires, notamment le FMI et la Banque mondiale.
Il recommande également une surveillance accrue de l’inflation et la création de mécanismes de compensation sociale pour protéger les couches les plus vulnérables.
Cette mise en garde intervient alors que le gouvernement prépare une transition budgétaire cruciale, marquée par l’arrivée progressive des recettes issues du pétrole et du gaz.
Mais pour l’économiste, il serait dangereux de miser trop tôt sur ces revenus au détriment des équilibres internes :
« La rigueur est nécessaire, mais elle doit être accompagnée de justice sociale et d’un soutien à la production. Sinon, 2026 pourrait être l’année de la désillusion économique. »
La rédaction de la SENTV.info