SENTV : Le feuilleton judiciaire de la gestion des fonds d’urgence Covid-19 vient de connaître un nouveau rebondissement. Le doyen des juges d’instruction a rendu, le 31 octobre dernier, une ordonnance de non-lieu en faveur de Moustapha Ndiaye, importateur de riz et directeur de la société CCMN, ainsi que de Rayan Hachem, propriétaire de la chaîne de restauration Planet Kebab, et de Mouhamed Dieng, poursuivi pour complicité.
Les trois hommes étaient accusés de détournement de deniers publics et de faux en écriture de commerce et privée, dans le cadre d’une commande de 30 000 tonnes de riz destinée à l’aide alimentaire d’urgence, pour un montant global de 2,749 milliards de francs CFA.
L’affaire remonte à la période de la pandémie, lorsque le gouvernement sénégalais avait mobilisé plus de 1 000 milliards de francs CFA pour faire face à la crise sanitaire et soutenir les ménages les plus fragiles.
Dans ce contexte, la société CCMN, dirigée par Moustapha Ndiaye, avait obtenu un marché d’approvisionnement en riz destiné au dispositif d’aide alimentaire.
Rapidement, des soupçons de surfacturation et d’irrégularités contractuelles avaient émergé, conduisant à l’ouverture d’une information judiciaire. Les enquêteurs soupçonnaient un montage financier impliquant plusieurs entreprises intermédiaires, dont celle de Rayan Hachem, accusé d’avoir facilité les transactions à travers des opérations commerciales jugées opaques.
Les mis en cause avaient toujours clamé leur innocence, soutenant que la livraison du riz avait été effectivement réalisée et validée par les services compétents du ministère du Commerce et de la Sécurité alimentaire.
Après plusieurs mois de détention provisoire et d’auditions, les inculpés avaient obtenu une liberté provisoire.
Pour ce faire, Moustapha Ndiaye avait consigné une caution de 700 millions de F CFA, tandis que Rayan Hachem avait signé, avec d’autres personnes, un cautionnement solidaire de 1,8 milliard de F CFA. Ces montants, cumulés, correspondaient à la valeur totale visée par le réquisitoire du parquet.
Malgré ces garanties financières, la procédure a poursuivi son cours jusqu’à la décision rendue par le doyen des juges d’instruction, concluant à l’absence de charges suffisantes pour justifier un renvoi devant le tribunal correctionnel.
Selon une source judiciaire citée par Le Quotidien, le procureur de la République a interjeté appel de l’ordonnance de non-lieu, estimant que certains éléments du dossier méritent un réexamen en profondeur.
Cet appel pourrait rouvrir le dossier devant la Chambre d’accusation, seule habilitée à confirmer ou infirmer la décision du juge d’instruction.
En attendant, les avocats de la défense saluent une « victoire du droit et de la transparence », estimant que leurs clients ont été « injustement jetés en pâture dans un contexte de crispation politique autour de la gestion des fonds Covid ».
« La justice a tranché sur la base des faits, pas des suspicions », a réagi un proche de Moustapha Ndiaye, se félicitant d’une décision qui « rétablit la vérité après des mois de soupçons ».
Ce non-lieu intervient dans un contexte où la gestion des fonds Covid reste un sujet sensible, plusieurs dossiers étant encore à l’instruction. Le rapport de la Cour des comptes, publié en décembre 2022, avait soulevé de nombreuses anomalies, conduisant à l’ouverture de plusieurs enquêtes sur la passation des marchés d’urgence.
Si la décision du juge d’instruction venait à être confirmée en appel, elle marquerait une première issue favorable pour les opérateurs économiques poursuivis dans ce vaste dossier, qui avait alimenté un vif débat sur la transparence de la dépense publique en période de crise.
La rédaction de la SENTV.info