Affaire « Covidgate » au Mali : Youssouf Bathily face à la justice pour gestion opaque de fonds publics
SENTV : Le procès de l’ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie du Mali (CCIM), Youssouf Bathily, et de deux de ses collaborateurs s’ouvrira prochainement devant la Cour d’assises de Bamako. En toile de fond : des soupçons de malversations financières dans le cadre du programme gouvernemental de distribution de masques pendant la pandémie de Covid-19, plus connu sous le nom de « Covidgate ».
En 2020, alors que le Mali luttait contre la propagation du coronavirus, le gouvernement d’Ibrahim Boubacar Keïta avait lancé une initiative ambitieuse baptisée « Un Malien, un masque ». Objectif : distribuer gratuitement 21 millions de masques de protection à la population. Pour mener à bien cette opération, un marché public de 10,9 milliards de francs CFA avait été attribué à la CCIM, en coordination avec le ministère du Commerce.
Des masques livrés, mais des procédures douteuses
Si la livraison des masques a bien eu lieu — une information confirmée notamment par l’agence APA — le Bureau du Vérificateur Général (BVG), saisi pour évaluer la conformité du processus, a mis en lumière plusieurs irrégularités. Le rapport pointe des défaillances dans les procédures d’appel d’offres, des paiements de droits injustifiés malgré des exonérations prévues par arrêté ministériel, ainsi que des anomalies comptables et contractuelles.
Ce sont ces éléments qui ont conduit à la mise en cause de Youssouf Bathily, de son secrétaire général Cheick Oumar Camara, et du comptable Lamine Sacko. Tous trois sont poursuivis pour atteinte aux biens publics, blanchiment de capitaux et favoritisme, des infractions particulièrement graves au regard du droit pénal malien.
Une affaire à fort retentissement politique et médiatique
Arrêté en novembre 2022, M. Bathily avait été placé sous mandat de dépôt avant d’être remis en liberté provisoire en juin 2023, moyennant une caution de 850 millions de FCFA. Une mesure contestée, puis annulée par la Cour suprême quelques mois plus tard. Cette volte-face judiciaire témoigne de la sensibilité politique de l’affaire, dans un contexte où les autorités de transition multiplient les signaux de lutte contre la corruption.
D’autres mis en cause dans le dossier ont bénéficié d’un non-lieu partiel, mais l’essentiel du débat judiciaire reste centré sur la responsabilité de l’équipe dirigeante de la CCIM dans la gestion de ces fonds publics.
Un procès sous haute surveillance
Alors que la date de l’audience est attendue dans les semaines à venir, les regards se tournent vers la Cour d’assises de Bamako. Ce procès emblématique pourrait servir de test pour les engagements des autorités de transition en matière de transparence et de redevabilité. Il s’agira non seulement de trancher sur d’éventuelles fautes pénales, mais aussi de répondre à une question essentielle : la pandémie a-t-elle servi de prétexte à des pratiques douteuses au sommet de certaines institutions ?
En attendant le verdict, le Mali observe, entre exigences de justice et nécessité de restaurer la confiance dans la gestion publique.
La rédaction de la SENTV.info