Affaire Khadim Bâ : le patron de Locafrique démonte les accusations et invoque une faille réglementaire
SENTV : Après huit mois de détention préventive, Khadim Bâ, PDG de Locafrique, a finalement été entendu sur le fond de l’affaire qui l’oppose à l’Administration des Douanes. C’est ce lundi 2 juin, devant le juge Idrissa Diarra, président du Collège des juges du Pool judiciaire financier, que l’homme d’affaires a livré sa version des faits, niant toute implication directe dans les opérations incriminées.
Une défense construite sur la dissociation des rôles
Entouré de ses avocats – Mes Djiby Diallo, Seydou Diagne, Ciré Clédor Ly et Demba Ciré Bathily – Khadim Bâ s’est présenté en homme serein et précis. Selon des sources judiciaires relayées par L’Observateur, il a rejeté point par point les chefs d’accusation : change illégal, non-rapatriement de fonds et importation illicite.
« Je ne suis ni importateur ni prestataire », a-t-il martelé, insistant sur son rôle de simple facilitateur dans les transactions concernées. Il a désigné des opérateurs comme Total, la Société africaine de raffinage (SAR) ou encore Touba Oil comme les véritables importateurs, précisant qu’ils s’étaient conformés à toutes les obligations douanières en vigueur.
Transactions en règle, selon la défense
L’accusé a tenu à souligner que toutes les opérations avaient été effectuées en francs CFA, sur le sol sénégalais, avec l’aval explicite de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Il a même cité des documents signés par l’ancien directeur national de la BCEAO, Ahmadou Al Aminou Lô, comme preuves de conformité réglementaire.
Concernant l’accusation de non-rapatriement de commissions estimées à 45 milliards de francs CFA, Khadim Bâ a répliqué qu’il avait, au contraire, injecté plus de 390 milliards de francs CFA dans l’économie nationale, un chiffre qu’il présente comme révélateur de sa contribution au tissu économique du pays.
Un rapport d’expertise qui change la donne ?
La défense semble en outre renforcée par les conclusions du rapport d’expertise du cabinet Cecogex, récemment versé au dossier. Selon ce document, le cadre juridique mobilisé par les Douanes – notamment l’article 3 du Règlement n°09/2012/UEMOA – ne s’appliquerait pas aux contrats de représentation commerciale, mais uniquement aux flux liés aux exportations de biens physiques.
Plus grave encore pour l’accusation, le rapport évoque « plusieurs vices de forme » dans le procès-verbal qui a servi de base aux poursuites. Il est également rappelé que, au moment des faits, aucune réglementation ne prévoyait le rapatriement obligatoire des revenus issus de prestations de services, une obligation introduite seulement fin 2024 par un nouveau règlement UEMOA, dont l’application est suspendue en l’absence d’instructions officielles de la BCEAO.
Une affaire à fort retentissement économique et judiciaire
L’affaire Khadim Bâ, qui mêle fiscalité, régulation bancaire et flux internationaux, continue de captiver les observateurs du monde des affaires au Sénégal. Derrière les enjeux juridiques, se profile aussi une lecture économique et politique d’un dossier aux ramifications complexes.
Pour l’heure, l’homme d’affaires reste en détention, mais ses avocats espèrent que cette audition sur le fond, conjuguée à la teneur du rapport d’expertise, pourrait déboucher sur une réévaluation de son statut judiciaire. Le juge Idrissa Diarra pourrait rendre ses premières conclusions dans les prochaines semaines.
Conclusion provisoire :
Le procès de Khadim Bâ s’annonce comme un test de solidité pour l’architecture judiciaire et réglementaire de la zone UEMOA. Entre vide juridique, défaut d’encadrement administratif et accusations de montage abusif, le dossier pourrait faire jurisprudence dans la manière de traiter les opérations financières transfrontalières à l’ère post-CFA.
La rédaction de la SENTV.info