SENTV : À Abidjan, l’élection du nouveau président de la Banque africaine de développement (BAD) entre dans sa phase décisive. Cinq candidats, cinq profils aux parcours distincts, mais un seul objectif : impulser une nouvelle dynamique de développement pour l’Afrique. À quelques heures du scrutin, le suspense reste entier.
Le mandat d’Akinwumi Adesina touche à sa fin, laissant derrière lui un héritage marqué par une forte mobilisation autour des infrastructures vertes et des réformes structurelles. À sa succession, cinq figures de proue de la finance et du développement africain, dont les trajectoires révèlent la diversité des compétences et des visions stratégiques.
Amadou Hott, le stratège des infrastructures
Ancien vice-président de la BAD en charge de l’énergie et du changement climatique, le Sénégalais Amadou Hott est loin d’être un inconnu dans les arcanes de l’institution. Ce spécialiste des marchés financiers, formé entre New York et Londres, a notamment dirigé le Fonds souverain sénégalais (FONSIS) et piloté des réformes majeures dans le secteur de l’énergie. En 2017, il avait convaincu la BAD d’investir exclusivement dans les énergies renouvelables pour la production électrique. Nommé envoyé spécial pour l’Alliance pour l’infrastructure verte en Afrique (AGIA), il se positionne comme l’homme des projets structurants et durables.
Sidi Ould Tah, le diplomate financier
Directeur général de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA) depuis 2015, le Mauritanien Sidi Ould Tah conjugue expertise économique et finesse diplomatique. Ancien ministre des Affaires économiques, il a siégé dans les principales institutions multilatérales du continent. Son profil, à la croisée des mondes arabe et africain, lui confère une stature panafricaine. Docteur en économie, il mise sur un leadership conciliant, fondé sur la coopération Sud-Sud et l’investissement agricole et productif.
Mahamat Abbas Tolli, la rigueur de la zone Cemac
Fort du soutien affiché de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), le Tchadien Mahamat Abbas Tolli mise sur une candidature de stabilité monétaire et de réformes internes. Ancien gouverneur de la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale) et ministre des Finances, son passage à la tête de la BDEAC a été marqué par une gouvernance renforcée et une hausse spectaculaire des financements accordés aux projets régionaux. Il incarne une approche rigoureuse, axée sur la performance et la transparence.
Samuel Munzelé, le technocrate mondial
Zambien d’origine, Samuel Munzele Maimbo apporte une touche onusienne et multilatérale à cette course. Vice-président de la Banque mondiale jusqu’en janvier 2025, il a dirigé des unités stratégiques en planification, financement climatique et développement des marchés de capitaux. À l’IDA, il a piloté la mobilisation des ressources pour les pays à faible revenu. Son regard global sur les défis africains et sa proximité avec les bailleurs de fonds internationaux font de lui un candidat au profil très internationalisé.
Swazi Tshabalala, la voie interne
Première femme à occuper le poste de vice-présidente financière de la BAD, la Sud-Africaine Bajabulile Swazi Tshabalala est également la seule candidate ayant exercé de hautes fonctions au sein de l’institution sans interruption depuis 2018. Elle a été l’architecte financière des négociations pour la reconstitution du Fonds africain de développement (FAD-15) et de l’augmentation de capital de la Banque. Passée par le secteur privé sud-africain, elle symbolise une forme de continuité et de réforme de l’intérieur, avec un accent sur la solidité des mécanismes financiers.
Une élection sous haute tension diplomatique : Si chaque candidat peut se targuer de solides appuis institutionnels, les équilibres régionaux, les jeux d’alliances entre États membres, et les arbitrages des grands actionnaires non africains (notamment les pays européens, asiatiques et les États-Unis) pèseront lourd dans le choix final. L’issue du vote pourrait être influencée par la capacité de mobilisation régionale autant que par les orientations politiques du futur président.
Un tournant pour la BAD et pour l’Afrique : Plus qu’un changement de visage à la tête de la BAD, cette élection cristallise les attentes d’un continent confronté à des défis majeurs : résilience économique post-Covid, transition énergétique, industrialisation, climat, dette souveraine. Le successeur d’Adesina devra redéfinir les priorités de financement pour ancrer le développement africain dans un nouveau paradigme : celui de la durabilité, de la souveraineté financière et de la coopération inclusive.
À Abidjan, le verdict est attendu dans les heures à venir. L’Afrique retient son souffle.
La rédaction de la SENTV.info