SENTV : C’est un moment lourd de sens qui s’est joué ce jeudi matin à Ouakam. Le camp militaire français de Geille, emblème de plus d’un siècle de présence militaire hexagonale au Sénégal, a été officiellement remis aux autorités sénégalaises. Ce transfert marque la dissolution définitive des Éléments Français au Sénégal (EFS), scellant ainsi la fin de la dernière base militaire permanente française dans le pays.
Installé depuis 1920 sur les hauteurs de Dakar, le camp Geille – nommé en hommage au général Jean-Georges Geille, figure de l’aéronautique militaire – était la principale emprise française au sud du Sahara. Il abritait encore jusqu’à ce jour près de 350 militaires français, dont la mission consistait principalement en des activités de coopération, de formation et d’appui aux Forces armées sénégalaises.
Une cérémonie symbolique sous tension géopolitique
C’est dans un climat solennel, sous haute surveillance, que la cérémonie de restitution s’est déroulée en présence du général Pascal Ianni, représentant du chef d’état-major des armées françaises. Dans son allocution, il a salué « l’héritage commun » entre Paris et Dakar, tout en reconnaissant la nécessité d’une « redéfinition des partenariats stratégiques ».
Mais au-delà du protocole, ce départ incarne une inflexion majeure dans la stratégie africaine de la France. Si Dakar n’a jamais formulé de demande explicite de retrait, comme l’ont fait récemment Bamako, Ouagadougou ou Niamey, les signaux diplomatiques étaient clairs : la souveraineté militaire devient un enjeu incontournable.
Le Sénégal dans la continuité, mais en pleine affirmation
Le ministre sénégalais des Forces armées, Sidiki Kaba, a insisté sur la dimension nationale de cet événement : « Ce n’est pas une rupture avec la France, mais un rééquilibrage. Le Sénégal entend maîtriser pleinement son dispositif de défense tout en maintenant des relations de coopération fondées sur le respect mutuel. »
Depuis la fin des Forces françaises du Cap-Vert en 2011, les EFS se concentraient sur le partenariat militaire opérationnel, avec un accent mis sur la formation, l’interopérabilité et l’appui logistique. Mais ces efforts n’ont pas suffi à faire oublier le legs colonial ou à contrer la montée d’un sentiment d’autonomie panafricain, notamment parmi les jeunesses urbaines et les opinions publiques.
Un tournant régional pour la présence française en Afrique
Avec ce retrait, la France poursuit une phase de repli stratégique sur le continent. Après avoir été poussée hors du Mali, du Burkina Faso, de la Centrafrique et du Niger, elle cède aujourd’hui une position qu’elle occupait sans interruption depuis la fin du XIXe siècle. Dakar avait longtemps servi de base arrière pour les opérations françaises en Afrique de l’Ouest, du Tchad au Golfe de Guinée.
Selon plusieurs experts en relations internationales, cette transition marque la fin d’un modèle militaire français basé sur la préposition permanente de troupes. Le président Emmanuel Macron avait d’ailleurs annoncé dès 2023 une réorganisation profonde du dispositif, fondée sur des partenariats ponctuels et sur demande, rompant avec la logique de bases fixes.
Conclusion : vers une souveraineté stratégique assumée
Le retour du camp Geille dans le giron sénégalais clôt un chapitre de l’histoire militaire franco-africaine, mais n’enterre pas pour autant la coopération. Celle-ci devrait se poursuivre sous d’autres formes – stages, entraînements conjoints, échanges stratégiques – mais à un rythme dicté par les priorités africaines.
Pour le Sénégal, cette reprise de contrôle territorial symbolise davantage qu’une réorganisation logistique : elle exprime une volonté d’indépendance stratégique, dans une Afrique désormais déterminée à définir seule les contours de sa sécurité.
Ce 17 juillet 2025 ne marque pas seulement la fin d’une présence militaire. Il consacre une nouvelle dynamique des relations franco-africaines, plus équilibrée, plus respectueuse, et centrée sur la souveraineté des États. Le Sénégal, tout en conservant des liens étroits avec ses partenaires traditionnels, affirme désormais plus clairement sa volonté de prendre en main sa propre sécurité. Un signal fort dans une Afrique en pleine recomposition stratégique.
La rédaction de la SENTV.info