Contenus indécents à la télévision : Le CNRA hausse le ton, la société civile s’interroge sur les méthodes
SENTV : Le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) a publié un communiqué ferme à l’endroit des éditeurs et producteurs de contenus télévisés, dénonçant une recrudescence de séquences jugées indécentes, obscènes ou contraires aux valeurs socioculturelles du pays. L’organe de régulation audiovisuelle appelle à une remise en ordre immédiate du paysage médiatique, particulièrement dans les séries, clips musicaux et émissions à forte audience.
Dans sa note transmise à la presse, le CNRA affirme avoir constaté une violation répétée de la réglementation en vigueur, qui proscrit « la diffusion de contenus de nature à porter atteinte à la moralité publique ou à constituer une incitation à la débauche, notamment auprès du public jeune ».
« Certaines productions semblent rivaliser en vulgarités, insanités et contre-valeurs », déplore le communiqué.
Le régulateur met en garde les chaînes de télévision, quels que soient leur mode de diffusion (hertzien, satellite, internet ou câble), et invite les sociétés de production à retirer de leurs contenus toute séquence contraire à l’éthique audiovisuelle. Le non-respect de cette mise en demeure pourrait, selon le CNRA, entraîner des sanctions, allant jusqu’à l’interdiction de diffusion des productions incriminées.
Une mise en demeure ciblant GFM et « Jakaarlo » alimente la controverse
Dans ce climat de tension réglementaire, le CNRA a adressé une mise en demeure spécifique au Groupe Futurs Médias (GFM), à propos de l’émission « Jakaarlo », diffusée vendredi dernier sur la TFM. Cette décision a immédiatement suscité une levée de boucliers dans une partie de l’opinion, notamment du côté de l’ancienne ministre Zahra Iyane Thiam, qui dénonce une démarche floue et politiquement risquée.
« Cibler des chroniqueurs, c’est museler l’opinion. Menacer de couper l’antenne des médias, c’est tuer le débat », a-t-elle écrit sur X (anciennement Twitter).
L’opposante pointe une absence de fondement juridique clair et reproche au régulateur de ne pas avoir étayé sa décision par des faits précis. Elle appelle à une gestion plus transparente et équitable du débat public, tout en soulignant que le CNRA, en tant qu’autorité administrative indépendante, se doit de justifier ses décisions avec rigueur et neutralité.
Entre encadrement éthique et liberté d’expression : un équilibre sous tension
Cette nouvelle sortie du CNRA intervient dans un contexte où les productions audiovisuelles sénégalaises, notamment les séries télévisées et les talk-shows, connaissent un essor sans précédent, tant en audience qu’en influence sur les comportements sociaux.
Toutefois, les critiques sur leur contenu se multiplient, entre défenseurs de la liberté d’expression et partisans d’un encadrement moral plus strict des contenus à destination du public, surtout des jeunes.
Pour les professionnels du secteur, l’ambiguïté de certains critères du CNRA pose problème : quelle est la frontière entre un propos jugé provocateur et une analyse critique ? Où s’arrête la liberté éditoriale et où commence l’atteinte aux valeurs collectives ?
Vers une régulation repensée ?
Face à cette polémique, plusieurs voix appellent à une réforme des mécanismes de régulation, suggérant par exemple la publication systématique des décisions motivées du CNRA, ou la mise en place d’un organe d’appel pluraliste en cas de litige avec les éditeurs.
Pour l’heure, le CNRA reste ferme : les chaînes et producteurs ont été avertis, et des sanctions seront appliquées en cas de récidive.
La rédaction de la SENTV.info