SENTV : Le fonctionnement de la Haute Cour de Justice du Sénégal fait l’objet d’une saisine formelle auprès du Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des juges et des avocats. En cause : des procédures jugées arbitraires, des détentions prolongées et une justice soupçonnée d’être aux mains du pouvoir politique.
Mercredi 10 juillet, à Dakar, lors d’un point de presse conjoint, des avocats sénégalais et leurs confrères du cabinet Vey & Associés – spécialiste du droit international – ont lancé un signal d’alarme : selon eux, la justice sénégalaise serait en proie à de « graves dérives », en particulier au sein de la Haute Cour de Justice, organe habilité à juger les anciens ministres et les hauts responsables de l’État.
Une justice « largement politisée »
« Ce que nous observons au Sénégal aujourd’hui, ce sont des procédures judiciaires motivées davantage par des objectifs politiques que par la recherche de justice », a déclaré Me Antoine Vey, avocat au barreau de Paris, connu pour avoir défendu des personnalités politiques à l’international. Il était accompagné de Me Oumar Youm et Me Amadou Sall, figures du barreau sénégalais.
La mission du cabinet a notamment analysé une quinzaine de dossiers récents impliquant d’anciens ministres, des leaders politiques de l’opposition, mais aussi des journalistes. Selon les avocats, les poursuites engagées souffrent d’un manque de preuves tangibles et s’appuient sur des allégations « peu étayées » de mauvaise gestion ou de détournement de fonds publics.
Saisine de l’ONU et du groupe de travail sur la détention arbitraire
Face à ce constat, une première requête a été déposée auprès du Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’indépendance des magistrats. Cette démarche vise à dénoncer les dysfonctionnements de la Haute Cour de Justice, jugée comme étant « sous l’influence directe de la majorité politique ». Une autre saisine est également en cours auprès du Groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire.
« Nous demandons une réaction rapide des instances internationales afin de stopper des pratiques qui violent les droits fondamentaux des personnes mises en cause », a insisté Me Vey. Parmi les mesures réclamées : la suspension des procédures en cours, la libération des prévenus détenus, et une réforme structurelle de la Haute Cour.
Le rôle de la CEDEAO salué
Sur le plan régional, les avocats rappellent les nombreuses décisions rendues par la Cour de justice de la CEDEAO en faveur de personnalités politiques sénégalaises, estimant que les droits à un procès équitable n’étaient pas garantis. « La CEDEAO a souvent été un rempart contre les excès », a affirmé Me Amadou Sall. « Le Sénégal est aujourd’hui sous surveillance, et toute atteinte aux libertés peut avoir des conséquences directes sur les relations diplomatiques et les financements internationaux. »
Une justice à repenser ?
La sortie des avocats intervient dans un contexte sensible, alors que le nouveau régime du président Bassirou Diomaye Faye a promis la restauration de l’État de droit. Toutefois, pour Me Sall, il est temps de recentrer les priorités : « Ce gouvernement a été élu pour répondre aux urgences sociales et économiques, pas pour orchestrer une chasse aux sorcières contre des anciens responsables. »
Alors que les regards se tournent vers Genève et Abuja, siège de la CEDEAO, la justice sénégalaise est désormais sommée de faire preuve de transparence. Pour les défenseurs des droits humains, l’issue de ces procédures constituera un test majeur pour la démocratie sénégalaise dans l’ère post-Macky Sall.
La rédaction de la SENTV.info