SENTV : L’ancien président sénégalais Macky Sall s’insurge contre les estimations du Fonds monétaire international (FMI), qui évoque une dette « cachée » de quelque 7 milliards de dollars contractée entre 2019 et 2024, pendant son mandat. Dans un courrier transmis récemment au FMI, ses avocats – issus du cabinet français FTMS – soulignent des « erreurs méthodologiques » et demandent une transparence totale.
Des comptes contestés
Les avocats de Macky Sall contestent la façon dont a été mesuré le montant de cette dette. Ils demandent au FMI de préciser si son évaluation repose sur un audit interne de l’institution ou s’il s’appuie uniquement sur les données transmises par l’administration sénégalaise précédente. Selon eux, le rapport de la Cour des comptes, qui a mis en lumière le trou de 7 milliards, ne vérifie pas la fiabilité des informations : « aucune contre-expertise indépendante », font-ils valoir.
Dans leur lettre, ils réclament la transmission des documents ayant servi au calcul du FMI et demandent à rencontrer un représentant de l’institution pour clarifier les faits. L’enjeu est de taille : la dette publique recalculée par la Cour des comptes atteindrait près de 100 % du PIB, un chiffre nettement plus élevé que les estimations officielles de l’époque, autour de 70 %.
Le FMI, dans une mission à Dakar entre le 18 et le 26 mars 2025, a confirmé l’ampleur du décalage identifié par la Cour des comptes. « Il y a eu une décision très consciente de sous-estimer le stock de la dette pendant les cinq dernières années », a déclaré Edward Gemayel, chef de la délégation du FMI.
Cette dette non déclarée représenterait l’écart entre deux estimations : celle du gouvernement de Sall, et celle recalculée par les auditeurs de la Cour. Pour le FMI, cette pratique a facilité l’accès aux marchés financiers du pays, en envoyant un signal rassurant aux investisseurs et en obtenant des taux d’intérêt plus favorables que si le niveau d’endettement réel avait été public.
La riposte de l’APR et le débat public
Face à ces accusations, l’Alliance pour la République (APR), le parti de Macky Sall, a publié un communiqué défendant la probité de l’ancien chef de l’État. Selon l’APR, tous les comptes de l’État entre 2012 et 2023 ont été certifiés par la Cour des comptes, et aucune preuve formelle ne justifie l’accusation de dette cachée.
De plus, les avocats de Sall insistent sur la nécessité d’une transparence totale : ils réclament la publication de tous les rapports (IGF, Cour des comptes, Mazars, etc.) afin que l’opinion nationale et internationale puisse juger de l’ampleur réelle du déséquilibre budgétaire.
La révélation de cette dette « cachée » pourrait peser lourd sur la trajectoire économique du Sénégal. Selon le FMI, cette situation exige des mesures correctives : centralisation de la gestion de la dette, renforcement des contrôles budgétaires, et réformes structurelles pour éviter que de tels écarts ne se reproduisent.
Par ailleurs, des voix s’élèvent pour remettre en question la responsabilité même du FMI : l’économiste Yves Ekoué Amaïzo estime qu’il est « douteux que le FMI n’ait pas été au courant » de certaines irrégularités, ce qui pose des questions sur les mécanismes de surveillance de l’institution internationale.
En défiant le FMI, Macky Sall lance un bras de fer politique aussi bien qu’économique. Au cœur du débat : la véracité des chiffres officiels, la transparence des institutions, et la crédibilité même des engagements financiers du Sénégal. La suite des échanges pourrait déterminer non seulement l’avenir de sa réputation, mais aussi la stabilité économique du pays.