SENTV : La posture diplomatique du Sénégal, historiquement saluée pour sa constance, sa modération et son attachement aux normes démocratiques, fait l’objet de vives critiques depuis l’accession au pouvoir du tandem Diomaye Faye – Ousmane Sonko. Bougane Gueye Dany, leader du mouvement Gueum Sa Bopp, sonne l’alerte dans une tribune virulente publiée ce dimanche, dénonçant ce qu’il qualifie d’« alignement farfelu du Sénégal derrière les juntes ».
Alors que le Sénégal s’est longtemps illustré comme une voix respectée sur la scène africaine et internationale, grâce à une diplomatie guidée par des figures telles que Senghor, Diouf, Wade ou Macky Sall, Bougane Gueye estime qu’une rupture de cap inquiétante s’installe. Il pointe du doigt les initiatives du Premier ministre Ousmane Sonko, notamment sa récente visite à Ouagadougou, perçue comme un signal de rapprochement avec les régimes militaires actuellement au pouvoir dans plusieurs pays de la région.
Une diplomatie sénégalaise autrefois exemplaire
Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal a forgé une réputation diplomatique fondée sur la stabilité de ses institutions, l’alternance pacifique au pouvoir et le respect des droits fondamentaux. Léopold Sédar Senghor a été un pionnier du dialogue interculturel, Abdou Diouf un acteur clé de la Francophonie, et Abdoulaye Wade un architecte de l’intégration africaine à travers le NEPAD. Macky Sall, plus récemment, a brillé à la présidence de l’Union africaine en 2022, où il a joué un rôle dans plusieurs dossiers sensibles, notamment la crise ukrainienne, les négociations sur la dette africaine, et la question climatique.
Cette tradition diplomatique a aussi été portée par de grandes figures sénégalaises sur la scène internationale comme Amadou-Mahtar Mbow à l’UNESCO, Jacques Diouf à la FAO ou encore Ibrahima Fall à l’ONU.
Un repositionnement jugé incohérent
Dans sa tribune, Bougane Gueye fustige ce qu’il considère comme une diplomatie parallèle orchestrée par le Premier ministre Sonko, dont les choix s’écarteraient de la ligne historique du pays. Le déplacement à Ouagadougou, cœur du pouvoir burkinabè dirigé par une junte militaire, intervient dans un contexte de tensions persistantes entre ce pays et la Côte d’Ivoire, où le président Diomaye Faye effectuait simultanément une visite officielle.
« Quelle image veut-on donner du Sénégal ? Celle d’un pays incohérent, qui joue sur deux tableaux ? », s’interroge Bougane, dénonçant un double discours diplomatique risqué. Il met en garde contre une perte de crédibilité au sein d’organisations régionales comme la CEDEAO et l’UEMOA, où le Sénégal occupe une place de premier plan tant sur le plan économique que politique.
Un risque de marginalisation
Dans sa lecture, cette orientation pourrait fragiliser la position du Sénégal dans les cercles décisionnels régionaux et internationaux. Bougane rappelle que les pays sous régimes militaires (Mali, Burkina Faso, Niger, Guinée) pèsent à peine 12 % du PIB de la CEDEAO, contre près de 8 % pour le Sénégal seul. Il appelle à éviter un « repli souverainiste contre-productif » au profit d’un retour à une diplomatie d’équilibre et d’influence.
Des critiques sévères contre le duo exécutif
Dans un ton incisif, Bougane Gueye n’épargne ni le Premier ministre ni la ministre des Affaires étrangères. Il les accuse de ne pas comprendre les mécanismes qui ont permis au Sénégal de porter ses ressortissants à la tête de grandes organisations internationales. Il redoute les conséquences d’une politique étrangère « brouillonne », qui pourrait aboutir à des crises diplomatiques inattendues, voire à un isolement régional.
Un appel à la vigilance nationale
Alors que le Sénégal vient de connaître une transition démocratique saluée à l’échelle mondiale, Bougane Gueye appelle à préserver cet acquis fondamental. Il plaide pour une diplomatie cohérente, guidée par l’intérêt national, respectueuse des alliances historiques et tournée vers les défis globaux : sécurité régionale, développement durable, intégration économique.
Dans un contexte où l’Afrique de l’Ouest est profondément fragilisée par les coups d’État à répétition et les redéfinitions géopolitiques, le Sénégal, fort de sa stabilité, se doit selon lui de jouer un rôle de boussole, non de suiveur des régimes de transition.
La rédaction de la SENTV.info