Diplomatie sénégalaise sous tension : le baptême du feu délicat de Bassirou Diomaye Faye sur la scène régionale

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SENTV : Le sommet des chefs d’État de la CEDEAO, tenu le 22 juin à Abuja, était censé marquer la première grande séquence régionale de Diomaye Faye. Il espérait accéder à la présidence tournante de l’organisation, sur la base d’une alternance entre pays francophones et anglophones, et d’un principe de rotation alphabétique.

Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu : le Sierra-Léonais Julius Maada Bio a été préféré à la dernière minute, sur proposition du président nigérian Bola Ahmed Tinubu. Diomaye Faye, pris de court, a exprimé publiquement son désaccord, estimant que cette présidence devait revenir au Sénégal.

Un huis clos tendu a suivi. Malgré des soutiens préparés en amont par Alassane Ouattara et Faure Gnassingbé, leur absence à Abuja a affaibli la position sénégalaise. Pire encore, Patrice Talon, seul autre chef d’État francophone présent, a rallié le consensus autour de Maada Bio. Le président gambien Adama Barrow aurait tenté de calmer le jeu, en soulignant que « les textes sont secondaires face au consensus ».

Face à un compromis proposé – reporter la présidence sénégalaise à l’année suivante – Diomaye Faye a opposé une fin de non-recevoir, dénonçant un « arrangement entre chefs d’État » contraire à l’esprit communautaire. Un refus qui a laissé une image d’isolement et de crispation.

Revers à la BAD et échec de la médiation sahélienne

Ce revers diplomatique s’ajoute à un autre échec stratégique : la candidature sénégalaise d’Amadou Hott à la tête de la Banque africaine de développement (BAD). Fin mai, l’ancien ministre a été devancé par le Mauritanien Sidi Ould Tah, malgré une stature reconnue.

Selon Africa Intelligence, cette défaite est partiellement imputée au manque d’engagement visible de l’exécutif sénégalais. Certains diplomates africains évoquent même un « double discours » dans le soutien à Hott, et une campagne sans dynamique portée.

Par ailleurs, les efforts déployés par le président Faye pour rapprocher les États du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger) de la CEDEAO se sont heurtés à un mur. Ses visites à Bamako et Ouagadougou, en mai, n’ont pas permis de convaincre les dirigeants de l’Alliance des États du Sahel (AES) de revenir à la table régionale. Des discussions polies, mais sans avancée tangible.

Diplomatie affaiblie à l’ONU et confusion des rôles exécutifs

Autre signal préoccupant : le retrait discret du Sénégal dans certaines enceintes internationales. Le pays n’a pas présenté de candidature pour retrouver son siège au Conseil des droits de l’homme (CDH) de l’ONU pour 2025-2027, bien qu’il y soit éligible. Une occasion manquée, jugée regrettable par plusieurs diplomates sénégalais, selon Africa Intelligence.

Enfin, la multiplication des déplacements internationaux du Premier ministre Ousmane Sonko – notamment en Afrique de l’Ouest et en Europe – commence à brouiller la lecture de la politique étrangère sénégalaise. Des chancelleries partenaires s’interrogent sur la répartition des rôles entre président et chef du gouvernement, alors que la tradition diplomatique sénégalaise privilégie une ligne claire, centralisée autour du chef de l’État.

Une diplomatie en construction, sous haute vigilance

L’ensemble de ces signaux révèle une phase d’apprentissage difficile pour la jeune administration issue des élections de mars 2024. Si le président Faye jouit d’un capital politique fort sur le plan intérieur, sa posture internationale reste à consolider, face à des réalités diplomatiques souvent plus complexes que prévu.

Dans les milieux diplomatiques sénégalais, le mot d’ordre est désormais à la structuration : clarifier les rôles entre la présidence et la primature, renforcer les capacités du ministère des Affaires étrangères, et construire des alliances solides avant d’afficher des ambitions régionales.

« Ce n’est pas un effondrement, mais un sérieux avertissement », confie un ancien ambassadeur sénégalais. « La diplomatie est un jeu d’équilibres, de patience, et de réseaux. C’est un domaine où l’enthousiasme ne suffit pas. »

Avec Africa Intelligence

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