Franc CFA : un ancrage à l’euro qui rassure les marchés, mais bride la marge de manœuvre des États de l’UEMOA

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SENTV : L’arrimage du franc CFA à l’euro, pilier du cadre monétaire de l’UEMOA depuis plus de deux décennies, continue de susciter un débat nourri entre partisans de la stabilité monétaire et défenseurs d’une plus grande souveraineté financière. Si ce mécanisme garantit une prévisibilité appréciée des investisseurs, il impose en parallèle des contraintes qui limitent la capacité d’ajustement des économies africaines face aux chocs extérieurs.

Une stabilité monétaire reconnue et recherchée

Grâce à la parité fixe avec l’euro, l’UEMOA affiche l’une des inflations les plus faibles d’Afrique, autour de 2,5 % en moyenne, selon les dernières données régionales.
Cette performance tranche avec les fluctuations plus marquées observées dans plusieurs zones monétaires du continent. Elle se traduit par :

  • une protection relative du pouvoir d’achat,

  • un environnement prévisible pour les opérateurs économiques,

  • et une attractivité renforcée pour les investisseurs étrangers, séduits par un cadre monétaire considéré comme fiable.

Cette stabilité constitue l’un des fondements de l’intégration économique régionale, facilitant les échanges au sein de l’Union et avec l’extérieur.

Une rigidité qui limite les marges d’ajustement

Mais ce choix de stabilité a un coût.
Le régime de change fixe prive les États membres d’un outil utilisé ailleurs pour absorber les chocs : la dévaluation ou la flexibilité du taux de change.
En cas de crise externe, de détérioration des termes de l’échange ou de choc budgétaire, les gouvernements de l’Union ne peuvent compter que sur :

  • des ajustements fiscaux,

  • des réformes structurelles,

  • ou un recours accru à l’endettement.

Une équation d’autant plus difficile que les pressions sociales et les besoins d’investissements publics sont en constante augmentation.

Des réserves de change solides mais peu mobilisables

Les réserves extérieures, gérées dans le cadre de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), demeurent à un niveau globalement confortable, garantissant la couverture de l’émission monétaire et la crédibilité de l’ancrage.
Cependant, leur utilisation reste strictement encadrée : elles constituent davantage un bouclier de stabilité qu’un instrument mobilisable pour soutenir directement l’économie en période de tension.

Des signes de tension sur le marché financier régional

Les récentes évolutions du marché interbancaire témoignent d’une liquidité plus resserrée :

  • des taux interbancaires en hausse,

  • des banques qui renforcent leurs réserves de précaution,

  • une circulation du crédit réduite, freinant la capacité de financement du secteur productif.

Cette prudence traduit l’importance du cadre monétaire actuel, mais aussi l’incapacité à injecter rapidement des liquidités en dehors des mécanismes conventionnels de la BCEAO.

La discipline budgétaire comme ultime levier

Dans ce contexte, les gouvernements de l’UEMOA n’ont d’autre choix que de miser sur la rigueur budgétaire pour maintenir leur stabilité macroéconomique.
Le recours intensif au marché financier régional pour financer les infrastructures, les politiques publiques et les besoins de trésorerie reflète une dépendance accrue aux emprunts, parfois à des taux en hausse.

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