Grève de la faim au Camp pénal de Dakar : des détenus dénoncent un « oubli judiciaire » et des conditions inhumaines
SENTV : Ce lundi, une grève de la faim a éclaté au sein du Camp pénal de Dakar, révélant une crise silencieuse qui couvait depuis des années. À l’origine de ce mouvement : une frange de détenus se disant « oubliés de la justice », dénonçant l’inertie des autorités judiciaires face à des appels restés sans suite depuis plus d’une décennie, ainsi que des conditions de détention qu’ils qualifient d’« insoutenables ».
Les grévistes affirment avoir interjeté appel de leurs condamnations entre 2010 et 2012, sans jamais avoir reçu de réponse formelle de la Cour d’appel de Dakar. « On nous a enterrés vivants », confie un détenu purgeant une peine de 17 ans. Malgré les changements répétés à la tête de l’administration pénitentiaire — huit directeurs en quinze ans —, aucun ne semble avoir abordé leurs dossiers en attente. Une situation qui alimente un sentiment d’injustice et d’abandon.
Le Camp pénal, conçu pour accueillir 600 détenus, héberge actuellement plus de 1 250 prisonniers, selon des chiffres officieux. Cette surpopulation structurelle engendre des tensions constantes, des problèmes d’hygiène et des atteintes au bien-être mental et physique des détenus. « Ici, on dort à tour de rôle, tant il manque de place », déplore un prisonnier.
Autre point de crispation : les mécanismes de libération conditionnelle et de grâce présidentielle, perçus comme sélectifs. Depuis 2019, les libérations conditionnelles se seraient raréfiées, tandis que les grâces semblent concerner essentiellement les peines courtes. « J’ai passé 19 ans ici, je n’ai jamais bénéficié d’aucune mesure », affirme un détenu condamné à perpétuité.
Le climat est d’autant plus tendu que plusieurs prisonniers dénoncent une « gestion autoritaire » de la prison. « Le directeur est jeune et inexpérimenté, et son entourage se comporte avec brutalité. Les fouilles sont vécues comme des actes de torture », accuse un détenu, qui craint néanmoins des représailles pour avoir parlé.
Cette mobilisation exceptionnelle vise à interpeller l’État sur la nécessité de respecter les engagements constitutionnels et internationaux du Sénégal en matière de droits humains. Les grévistes réclament la réactivation des procédures d’appel, une révision du régime de libération conditionnelle, ainsi qu’une amélioration urgente de leurs conditions de détention.
À l’heure où nous mettons sous presse, aucune réaction officielle n’a été enregistrée du côté de l’administration pénitentiaire ou du ministère de la Justice. Le silence des autorités, dans un contexte aussi critique, pourrait toutefois nourrir davantage le ressentiment et amplifier la mobilisation.
La rédaction de la SENTV.info