Jeux en ligne et milliards en fuite : la Centif lève le voile sur un système opaque de blanchiment et de corruption
SENTV : Le dernier rapport d’activités de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), publié en avril 2025, révèle des pratiques préoccupantes dans le secteur florissant mais peu régulé des jeux en ligne. Derrière des façades légales, des sociétés aux profils numériques se seraient livrées à des opérations massives de blanchiment d’argent, alimentées par la corruption, le trafic d’influence et des flux financiers internationaux suspectés d’échapper à tout contrôle fiscal et légal.
Au cœur de ces révélations, deux entités individuelles baptisées GAMING et BETTING, toutes deux enregistrées au nom d’un même propriétaire. Ces structures, officiellement actives dans les services numériques et les jeux en ligne, sont aujourd’hui au centre de transactions financières totalisant plusieurs dizaines de milliards de francs CFA.
Selon la Centif, la société GAMING a ouvert son compte principal en août 2023 auprès d’une institution bancaire sénégalaise, BANQUE SÉNÉGAL. Depuis cette date, le compte a enregistré des virements d’un montant cumulé de 1,45 milliard F CFA en provenance d’un organisme dénommé LOTTERY, déclarés comme des paiements pour « prestations numériques ». S’y ajoutent 130 millions F CFA supplémentaires en provenance de PAYMENT DIGITAL, sous couvert de commissions sur paiements en ligne.
Mais ce sont surtout les transferts réguliers à l’international, notamment vers une société étrangère appelée ASSOCIATED, qui attirent l’attention : 1,17 milliard F CFA évacués depuis les comptes de GAMING, sans que la nature réelle des transactions ne soit clairement justifiée.
La société BETTING, également pilotée par le même propriétaire, aurait selon la Centif, enregistré des flux encore plus vertigineux. Depuis l’ouverture de son compte en novembre 2021, ce dernier a reçu 815 millions F CFA, auxquels s’ajoutent huit sous-comptes cumulant plus de 32 milliards F CFA. Là aussi, des transferts suspects vers ASSOCIATED sont pointés du doigt, atteignant plus de 776 millions F CFA avec des justificatifs incomplets.
Un modèle économique sous haute suspicion
Les conclusions du rapport dressent un constat alarmant : les plateformes de jeux en ligne, particulièrement celles opérant sans contrôle strict, servent de véritables canaux de blanchiment, en dissimulant des fonds issus d’activités criminelles sous l’apparence de services ou de commissions. La porosité entre le secteur numérique, les jeux en ligne et les circuits bancaires est aujourd’hui exploitée par des réseaux qui tirent profit de failles juridiques et d’un encadrement encore trop permissif.
La Centif alerte sur l’urgence de renforcer les dispositifs de conformité bancaire, de vérification de l’origine des fonds, et de traçabilité des opérations transfrontalières, notamment dans les secteurs liés aux paris, aux paiements électroniques et aux cryptoactifs.
Alors que les jeux en ligne connaissent une croissance exponentielle au Sénégal et dans la sous-région, cette enquête vient poser une question essentielle : à qui profite réellement cette manne financière et quels mécanismes doivent être mis en place pour éviter que le numérique ne devienne le terrain privilégié de la criminalité financière ?
La rédaction de la SENTV.info