SENTV : La Haute Cour militaire de Kinshasa a rendu un verdict historique ce mardi en condamnant l’ancien président Joseph Kabila à la peine de mort, en son absence, pour crimes de guerre, trahison et soutien à un mouvement insurrectionnel armé, à l’issue d’un procès aussi controversé que symbolique.
Le procès, ouvert plusieurs mois plus tôt dans un contexte de fortes tensions politiques et sécuritaires en République démocratique du Congo, s’est conclu après quatre heures de lecture du jugement. Joseph Kabila, président de la RDC de 2001 à 2019, n’était pas présent : il vit en exil depuis plus de deux ans, dans un lieu gardé confidentiel.
Des accusations lourdes, une procédure contestée
L’ancien chef de l’État était poursuivi pour :
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Crimes de guerre, notamment pour son soutien présumé au groupe armé M23, actif dans l’est du pays ;
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Trahison ;
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Organisation et financement d’un mouvement insurrectionnel, via l’Alliance Fleuve Congo (AFC), supposée branche politique du M23.
Pour les juges militaires, Joseph Kabila aurait joué un rôle clé dans la résurgence du M23, qui a repris les armes fin 2021, avec une montée en puissance en 2024 et 2025. Les attaques du groupe rebelle, soutenu par le Rwanda selon plusieurs rapports de l’ONU, ont fait des milliers de déplacés et ont ravagé plusieurs localités dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu.
Des éléments de preuve jugés insuffisants par la défense
Le dossier repose principalement sur des rapports d’enquête de services congolais, des communications interceptées et des documents bancaires supposant des transferts de fonds entre des entités proches de Kabila et des réseaux liés à l’AFC/M23.
La défense de l’ancien président, absente à l’audience, a toujours dénoncé une manipulation politique. Ferdinand Kambere, secrétaire général adjoint du PPRD, parti fondé par Kabila, a dénoncé un « procès expéditif et politique, sans valeur juridique réelle ».
« Ce verdict vise à écarter définitivement Kabila du jeu politique et à détourner l’attention de la crise sécuritaire actuelle dans l’est du pays », a-t-il déclaré à la presse.
Des témoins absents, mais un verdict maintenu
Initialement prévu le 12 septembre, le jugement avait été reporté à la demande des parties civiles, qui promettaient l’audition de nouveaux témoins clés. Mais ces témoins ne se sont jamais présentés à la barre, affaiblissant considérablement l’impact du réquisitoire. Néanmoins, la Haute Cour militaire a maintenu son verdict, jugeant les preuves présentées comme « suffisamment concordantes » pour justifier la condamnation.
Un climat régional explosif
Ce jugement intervient dans un contexte de violence accrue dans l’est de la RDC, où les groupes armés prolifèrent depuis trois décennies. Le M23, qualifié de groupe terroriste par Kinshasa, a repris Goma en janvier 2025, puis Bukavu en février, avec l’appui présumé de forces spéciales rwandaises, selon les autorités congolaises et des observateurs indépendants.
Kinshasa accuse régulièrement Kigali de soutenir militairement le M23, dans le cadre d’une lutte d’influence pour le contrôle des riches ressources minières de la région.
Une condamnation symbolique ?
Dans les faits, la peine de mort en RDC n’est plus appliquée depuis 2003, malgré sa présence dans le code pénal. Il s’agit donc ici d’une condamnation symbolique, mais au poids politique immense, alors que des voix au sein du régime actuel réclament la nationalisation des biens de Kabila, et l’ouverture d’une instruction patrimoniale sur sa fortune.
Une page se tourne dans l’histoire politique congolaise
Si le jugement marque une rupture historique, c’est aussi une décision à haut risque. Elle ouvre la voie à de nouvelles tensions internes et pourrait renforcer la posture d’opposant exilé de Joseph Kabila, qui conserve une base de soutien politique et militaire dans certaines régions du pays.
Que signifie cette condamnation pour la stabilité politique en RDC ?
La question reste entière, à l’heure où le pays tente de retrouver une paix durable à l’est, dans un climat de défiance généralisée envers les institutions.