SENTV : Dans une session extraordinaire tenue le jeudi 18 septembre, l’Assemblée nationale du Sénégal a adopté trois projets de loi structurants, touchant aux piliers de l’investissement privé, de la fiscalité et du secteur des télécommunications. Présentées comme essentielles au financement du Plan de redressement économique et social (PRES), ces réformes traduisent une volonté gouvernementale de restaurer la santé budgétaire du pays, tout en consolidant son attractivité économique.
Un nouveau Code des investissements pour relancer les territoires
La première loi adoptée, la loi n°16/2025, réforme en profondeur le Code des investissements, en vigueur depuis 2004. Présenté par le ministre des Finances Cheikh Diba, le texte abaisse le seuil d’investissement minimum à 15 millions de FCFA, afin d’inclure les très petites entreprises dans le dispositif incitatif. Autre innovation majeure : la digitalisation complète des procédures, pour faciliter les démarches et réduire les délais.
Objectif affiché : stimuler l’investissement privé, en particulier dans les zones économiques moins développées de l’intérieur du pays, et aligner le cadre législatif sur la Vision Sénégal 2050.
Toutefois, plusieurs députés ont mis en garde contre un excès de privilèges octroyés aux investisseurs, sans garanties suffisantes sur les engagements sociaux et environnementaux. Le ministre a promis un suivi plus rigoureux, sans encore détailler les mécanismes de contrôle.
Fiscalité : nouvelles taxes, tensions sur les ménages
La loi n°17/2025, seconde du triptyque législatif, modifie en profondeur le Code général des impôts. Elle introduit notamment une taxe sur les transferts d’argent électroniques à partir de 20 000 FCFA, une mesure jugée nécessaire pour élargir l’assiette fiscale, mais qui suscite de vives inquiétudes parmi les opérateurs économiques et certains députés.
Ces derniers redoutent un retour massif au cash et une baisse d’activité dans les services financiers numériques, avec des effets collatéraux sur l’emploi.
Le texte renforce également la fiscalité sur les produits jugés « sensibles » : boissons alcoolisées, tabac, jeux de hasard, dans une logique de fiscalité comportementale. Des mesures justifiées par l’exécutif au nom de la lutte contre les effets délétères sur la jeunesse, mais aussi pour mobiliser des ressources endogènes dans un contexte de dette publique élevée (118 % du PIB) et de dégradation de la note souveraine du pays.
Fin de l’exonération sur les téléphones : retour à la douane
Troisième et dernier texte voté, la loi n°18/2025 met fin à l’exemption de droits de douane sur les téléphones portables, en vigueur depuis 2008 via la Rutel (Redevance sur l’accès aux télécommunications). Initialement conçue pour favoriser la démocratisation du mobile, cette exonération est aujourd’hui jugée contre-productive par les autorités, car responsable d’une sous-fiscalisation estimée à plusieurs milliards de FCFA.
Si le gouvernement insiste sur la nécessité de récupérer des marges budgétaires, plusieurs élus ont alerté sur le risque d’une hausse des prix pour les consommateurs, les opérateurs ayant tendance à répercuter mécaniquement les taxes.
« Il faut trouver un équilibre entre les intérêts de l’État, des entreprises et du citoyen. On ne peut pas systématiquement charger le consommateur », a souligné un député lors des débats en commission.
Entre discipline budgétaire et pression sociale
Ces trois lois, adoptées dans un climat économique tendu, traduisent la difficulté de conjuguer redressement des finances publiques et préservation du pouvoir d’achat. Si le gouvernement affirme que ces mesures sont indispensables pour maintenir les équilibres macroéconomiques, des parlementaires et observateurs s’inquiètent de leur impact social à court terme, notamment sur les classes moyennes et les travailleurs du secteur informel.
En toile de fond, le Sénégal fait face à un enjeu stratégique de crédibilité économique, alors que les négociations avec les bailleurs internationaux et les agences de notation se poursuivent. La mise en œuvre effective et équitable de ces réformes sera décisive dans les mois à venir.
La rédaction de la SENTV.info