SENTV : Après quelques mois d’accalmie, les Maliens renouent avec les longues coupures d’électricité. Depuis septembre, le pays replonge dans une crise énergétique qui paralyse les foyers, met à genoux les petites entreprises et fragilise davantage une économie déjà éprouvée.
Les promesses d’une amélioration durable n’auront pas tenu longtemps. À Bamako, les quartiers vivent désormais au rythme des coupures. À Niamakoro, Fatoumata Keïta, mère de famille, résume le désarroi général :
« On avait retrouvé un peu de stabilité. Aujourd’hui, c’est six heures de courant au mieux. On s’éclaire à la lampe comme il y a deux ans. »
Les délestages de douze heures d’affilée sont redevenus la norme dans la capitale. Dans les régions, la situation tourne à la catastrophe : à Douentza, la centrale locale est à l’arrêt faute de carburant, tandis qu’à Ansongo, la panne sèche du gasoil a replongé la ville dans le noir total depuis début novembre. À Mopti, les habitants évoquent jusqu’à vingt heures sans courant par jour.
La crise actuelle met en lumière la vulnérabilité du système énergétique malien, encore largement tributaire des centrales thermiques alimentées par des hydrocarbures importés. L’approvisionnement en carburant, perturbé par l’insécurité sur les corridors routiers et la dépendance logistique vis-à-vis du port de Dakar, reste un maillon faible.
À Kayes, première grande escale du corridor Dakar–Bamako, la situation paraît légèrement meilleure. Les transporteurs y déchargent parfois leurs cargaisons, craignant d’avancer vers les zones les plus instables de l’intérieur. Ce contraste illustre combien la sécurité influence désormais l’accès à l’énergie.
À Bamako, la pénurie d’électricité étouffe les activités artisanales et les petits métiers.
Dans les boulangeries, les fournées sont divisées par trois. « Le gasoil est introuvable et le groupe coûte trop cher à faire tourner », déplore Abdoulaye Keïta, boulanger à Faso Kanu.
Même impasse pour les soudeurs et tailleurs, contraints de réduire leurs heures de travail.
« Les machines sont éteintes la moitié de la journée. On fait ce qu’on peut à la main, mais on perd de l’argent », confie Issa Samaké, couturier aux Halles de Bamako.
Dans le commerce du froid, les pertes sont colossales. Adama Coulibaly, vendeur de poissons à Faladié, montre ses congélateurs dégivrés : « sans électricité, tout pourrit. J’ai perdu des centaines de milliers de francs. »
Les économistes alertent sur les conséquences macroéconomiques.
« La crise énergétique réduit la productivité, fragilise les PME et provoque du chômage technique », analyse le Dr Abdoulaye N’Tigui Konaré.
Selon lui, même les entreprises équipées de groupes électrogènes ou de panneaux solaires ne parviennent plus à absorber la hausse du coût du fuel.
La CNPM et la CCIM, principales organisations patronales, multiplient les appels à l’État pour une action d’urgence. Elles redoutent des fermetures en cascade dans les mois à venir.
Depuis 2023, le gouvernement tente de redresser la société publique Énergie du Mali (EDM-SA), lourdement endettée. Une restructuration de sa dette bancaire, évaluée à 300 milliards de F CFA, a été conclue avec plusieurs banques, assortie d’un plan de redressement financier.
En parallèle, une convention signée avec la SONIDEP du Niger et un appui ponctuel en carburant de la Russie ont permis d’éviter un effondrement total du réseau, mais les stocks restent instables.
Sur le plan structurel, l’exécutif mise sur les énergies renouvelables. Trois grandes centrales solaires – à Safo (100 MW), Sanankoroba (200 MW) et Tiadougou-Dialakoro (100 MW) – sont en construction. Ces projets visent à réduire la dépendance au fuel importé, mais leur mise en service n’est pas attendue avant fin 2025.
Entre-temps, le gouvernement a déployé en juin dernier 25 groupes électrogènes destinés à renforcer temporairement le réseau.
Malgré les efforts budgétaires – dont l’allocation de 24 milliards de F CFA à EDM-SA en juillet dernier pour sécuriser l’achat de carburant – le Mali reste pris dans un étau : d’un côté, des centrales thermiques vieillissantes et dépendantes de routes précaires ; de l’autre, une transition énergétique encore embryonnaire.
Dans les rues de Bamako plongées dans la pénombre, les habitants s’interrogent : combien de temps encore faudra-t-il attendre avant que la lumière ne revienne pour de bon ?
La rédaction de la SENTV.info