Loyers au Sénégal : Maître Massokhna Kane tire la sonnette d’alarme sur une régulation inefficace et appelle à un virage stratégique
SENTV : Dans un contexte marqué par une flambée persistante des loyers à Dakar et dans les grandes villes du Sénégal, Maître Massokhna Kane, président de l’association SOS Consommateurs, a exprimé son profond désarroi face à l’impuissance des structures censées réguler le marché locatif. Dans une déclaration sans concession, il a dénoncé l’inefficacité de la Commission de régulation des loyers, qualifiée de « coquille vide » faute d’instruments juridiques adaptés.
Créée pour juguler l’explosion des loyers dans les zones urbaines, la Commission de régulation est, selon Maître Kane, non seulement inefficace mais aussi inutile. « Cette structure n’a jamais été dotée des moyens juridiques nécessaires pour agir efficacement. Elle consomme des ressources publiques sans produire de résultats concrets », a-t-il fustigé. Il en appelle à un audit approfondi de son fonctionnement et s’interroge sur la pertinence de sa création, estimant que les outils de régulation existants auraient dû être consolidés plutôt que contournés.
Maître Kane recentre le débat sur les leviers déjà existants dans l’arsenal juridique sénégalais. Il rappelle que la régulation judiciaire permet aux locataires lésés de saisir le juge des loyers en cas d’abus. Les tribunaux civils, et notamment les juges des référés, sont régulièrement sollicités pour trancher des conflits locatifs, preuve que des instruments sont à disposition mais peu utilisés ou mal connus du grand public.
Côté administratif, il met en cause la passivité des directions compétentes, notamment la Direction des Domaines et la Direction du Commerce intérieur, chargées du contrôle des baux. Si ces entités remplissaient pleinement leurs missions, dit-il, les dérives constatées sur le terrain seraient largement atténuées.
Au cœur du problème, selon le leader de SOS Consommateurs, se trouve une spéculation immobilière rampante qui échappe à tout encadrement. « Le déséquilibre entre les droits des bailleurs et ceux des locataires devient criant. Quand un locataire consacre près de 70 % de son salaire à un loyer, on est face à un problème de société », déplore-t-il.
Il insiste toutefois sur la nécessité de ne pas diaboliser les propriétaires, dont certains, retraités ou endettés, dépendent des loyers pour vivre. « Le système doit protéger les deux parties, mais aujourd’hui, il ne protège personne », souligne-t-il.
Pour Maître Kane, la solution durable réside moins dans des réformes ponctuelles que dans une réorientation stratégique vers l’habitat social. Il appelle l’État à intensifier les programmes de logements sociaux accessibles, notamment via des mécanismes de location-vente garantis par les banques.
Selon lui, seul un choc d’offre immobilière structuré et encadré permettra de faire baisser durablement les loyers et de garantir le droit fondamental au logement pour tous. Il exhorte les autorités à convoquer une concertation nationale sur le logement, impliquant tous les acteurs – État, collectivités locales, promoteurs, banques, ONG – pour définir une feuille de route claire à moyen et long terme.
Le Sénégal, notamment sa capitale Dakar, connaît une crise du logement aggravée par une urbanisation rapide et un encadrement insuffisant du marché locatif. Plusieurs tentatives de plafonnement ou de régulation des loyers ont échoué ces dernières années, face à la spéculation et à l’inefficacité des dispositifs de contrôle. La problématique reste au cœur des préoccupations des classes moyennes et populaires.
La rédaction de la SENTV.info