SENTV : Pris d’assaut pour leur rapidité, ces véhicules interurbains soulèvent de graves inquiétudes : excès de vitesse, surcharge et modifications illicites.
Ils sont devenus les rois des gares routières et les favoris des voyageurs pressés. Les minicars surnommés « Cheikhou Charifou », reconnaissables à leur carrosserie souvent blanche et leur allure agressive, s’imposent dans le paysage du transport interurbain sénégalais. À la gare des Baux Maraîchers, ils ne désemplissent pas, surtout en cette période post-Tabaski. Pourtant, derrière leur apparente efficacité se cache une réalité troublante : ces véhicules sont de plus en plus associés à des accidents graves, causés principalement par l’irresponsabilité de certains conducteurs.
À première vue, les « Cheikhou Charifou » séduisent. Rapides, relativement confortables et accessibles, ils ont su conquérir un large public. Pour Ya Seyda Bousso, mère de famille, ce sont même les véhicules les mieux adaptés aux longs trajets :
« Je préfère ces voitures. Elles sont bien entretenues. Mais certains chauffeurs exagèrent avec la vitesse. »
Un confort qui masque cependant des pratiques illégales et dangereuses, comme le reconnaît Mbaye Senghor, chauffeur expérimenté :
« Officiellement, ce sont des véhicules de 15 places. Mais pour rentabiliser, certains les modifient pour atteindre 18 ou 19 sièges. Ce n’est pas légal, mais courant dans le secteur. »
Vitesse excessive et absence de contrôle
Au cœur des critiques des passagers et des observateurs : la vitesse. Ces véhicules peuvent atteindre 140 km/h, une performance dangereuse sur des routes souvent dégradées. Pa Lamine Diatta, passager gambien, témoigne :
« J’ai dû supplier un chauffeur de ralentir. C’était de la folie. On ne joue pas avec la vie des gens. »
Le constat est partagé par Adama Cissé, qui se rend à Sokone : « À chaque voyage, c’est la même peur. Ces chauffeurs conduisent comme s’ils étaient seuls sur la route. »
Les chauffeurs, pour leur part, pointent la responsabilité partagée, accusant le manque de contrôle routier et l’absence d’une vraie régulation du secteur. « On veut juste travailler. Mais les autorités doivent aussi nous encadrer », plaide Mbaye Senghor.
À Bountou Pikine, l’agitation est constante. Les « Cheikhou Charifou » fonctionnent en rotation rapide. À peine un véhicule plein part-il qu’un autre s’installe. Les apprentis, souvent très jeunes, gèrent le trafic humain avec une efficacité désordonnée, criant, courant, négociant les places à la dernière minute. L’ambiance est à la limite du chaos, amplifiée par le vacarme des klaxons, des moteurs et des marchands ambulants.
« C’est un vacarme permanent. Mais tout fonctionne. À sa manière », explique un habitué des lieux.
Des morts évitables, des leçons à tirer
Ces derniers mois, plusieurs accidents mortels ont impliqué des « Cheikhou Charifou », relançant le débat sur la régulation du transport interurbain. Entre laxisme des autorités, modification illégale des véhicules, absence de radars et surcharge constante, les conditions sont réunies pour une tragédie permanente.
« Ce ne sont pas des caisses de transport, mais des caisses de mort », lâche un agent de la sécurité routière sous couvert d’anonymat.
Appel à la régulation urgente
Face à la prolifération de ces véhicules et à leur cote de popularité grandissante, les autorités sont attendues sur des mesures concrètes. Il s’agit non seulement de réhabiliter les contrôles techniques, mais aussi d’imposer des limites de vitesse, et surtout d’encadrer les modifications non homologuées.
« Ce secteur ne peut continuer à fonctionner comme une jungle », prévient un expert en sécurité routière. « La vie humaine ne doit pas être sacrifiée sur l’autel de la rentabilité. »
Avec Lesoleil