SENTV : Le départ d’Ousmane Diagne du ministère de la Justice, à la faveur du récent remaniement ministériel, marque la fin d’un parcours institutionnel aussi discret que profondément marqué par une constance rare : celle d’un homme de loi fidèle à sa ligne, parfois même à contre-courant des injonctions du pouvoir.
Procureur général près la Cour d’appel de Dakar, ancien procureur de la République, Ousmane Diagne laisse derrière lui une réputation construite autour d’un mot simple, mais lourd de conséquences dans la sphère politico-judiciaire sénégalaise : le refus.
Déjà en 2011, alors que le contexte politique était tendu, il refuse de recevoir Thiat du mouvement Y’en a marre, arrêté sans mandat clair. L’année suivante, en 2012, il s’oppose ouvertement à un non-lieu dans l’affaire Ndiaga Diouf, qui mettait en cause Barthélémy Dias, à l’époque jeune maire en devenir. Un refus qui lui vaudra d’être limogé dans des conditions tendues par l’ancienne ministre de la Justice, Aminata Touré. La phrase qu’il lâche alors, lors de la passation avec son successeur Serigne Bassirou Guèye, reste gravée dans les annales :
« Je n’ai jamais été autre chose qu’un procureur de la République, pas un procureur du gouvernement. »
La constance dans l’indépendance
Plus récemment, alors que les événements politiques entre 2021 et 2024 ont causé plus de 80 morts selon plusieurs sources, Ousmane Diagne a continué de défendre la séparation des pouvoirs. Lors d’une audition très attendue à l’Assemblée nationale, il déclare, face aux députés :
« Je n’ai jamais accepté qu’on fasse pression sur moi. Et qu’on ne compte pas sur moi pour en exercer sur les magistrats du siège : je n’ai aucune autorité sur eux. »
Une déclaration rare dans un pays où les liens entre le pouvoir exécutif et le système judiciaire sont souvent objets de controverses. Pour certains, cette posture de fermeté pourrait expliquer sa mise à l’écart du gouvernement lors du remaniement. Pour d’autres, c’est la pression populaire — relayée par les réseaux sociaux — qui a fini par le pousser vers la sortie.
Un style sobre, une sortie maîtrisée
Contrairement à d’autres figures de la magistrature sénégalaise, Ousmane Diagne ne s’est jamais laissé enfermer dans un camp. Son style, parfois perçu comme austère, est aussi sa force : pas de posture populiste, pas d’excès médiatique. Lors de ses prises de parole officielles, notamment au ministère ou au parquet, il a toujours rappelé que son seul mandat était celui de la loi.
Ce départ, dans un contexte tendu, n’a pas donné lieu à des règlements de comptes. Ni plainte, ni justification amère. Juste une dernière leçon de style, de droit et de dignité. Une sortie élégante, fidèle à l’homme qu’il a toujours été.
Dans une République où l’équilibre entre justice et pouvoir politique reste fragile, Ousmane Diagne aura incarné une certaine idée de la magistrature : indépendante, rigoureuse, et capable de dire non, même au sommet. Son départ n’est peut-être pas une défaite. Il ressemble plutôt à une ultime démonstration : celle qu’on peut quitter un ministère sans se renier.
La rédaction de la SENTV.info