Plan « Jubbanti Koom » : Abdoulaye Wilane tire la sonnette d’alarme sur un projet « flou et économiquement risqué »

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SENTV : Le plan triennal « Jubbanti Koom », dévoilé par le Premier ministre Ousmane Sonko en juillet 2025, continue de faire couler beaucoup d’encre. Présenté par l’exécutif comme une réponse « souveraine, ambitieuse et disruptive » pour relancer l’économie sénégalaise, il vise à mobiliser plus de 5 667 milliards de francs CFA entre 2025 et 2027. Mais le flou qui entoure les mécanismes de financement, la stratégie macroéconomique et les impacts sociaux du plan alimente les critiques, notamment celle d’Abdoulaye Wilane, porte-parole du Parti socialiste.

Dans une sortie remarquée sur E-media, Wilane n’a pas mâché ses mots. Pour lui, « Jubbanti Koom » manque cruellement de fondements macroéconomiques clairs. « Nous n’avons ni les hypothèses de croissance, ni de projections sur l’inflation, ni de trajectoires fiscales chiffrées. C’est un plan sans boussole », déplore-t-il. Il souligne le contraste avec les prévisions officielles du Document de programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP) 2025-2027, qui anticipe une croissance de 9,7 % et un retour au critère de convergence communautaire avec un déficit de 3 % du PIB.

Des financements aux contours nébuleux

Le plan entend s’appuyer sur des sources de financement qualifiées d’« innovantes » : recyclage d’actifs publics, mobilisation de ressources internes, recours à la finance islamique. Mais pour Wilane, ces formules cachent une réalité préoccupante. « Quels sont les actifs visés ? Sont-ils rentables ? Que valent-ils sur le marché ? Ces questions restent sans réponse. Ce sont des ressources appartenant au peuple sénégalais. Leur gestion mérite transparence et rigueur », martèle-t-il.

Autre point noir : l’absence de concertation avec les institutions financières internationales telles que le Fonds monétaire international (FMI) ou l’UEMOA, qui encadrent les règles budgétaires dans la région. « L’exécutif donne le sentiment d’un cavalier seul. Or, sans coordination avec nos partenaires, nous risquons de compromettre l’accès au crédit et d’aggraver nos vulnérabilités budgétaires », prévient-il.

Une fiscalité « régressive » et socialement dangereuse

L’une des critiques les plus virulentes porte sur les nouvelles mesures fiscales contenues dans le plan. Pour Wilane, elles pénalisent d’abord les populations les plus modestes. À titre d’exemple, il cite l’instauration d’une taxe sur les téléphones reconditionnés — une augmentation de 30 000 FCFA, qui frapperait directement les jeunes et les ménages à faible revenu.

« On fait payer l’ajustement aux plus vulnérables. Les agriculteurs, les artisans, les petits commerçants… Ce sont eux qui vont subir de plein fouet ces mesures. C’est une fiscalité régressive, économiquement inefficace et socialement injuste », tranche le député socialiste.

Un plan centralisé, aux allures jacobines

Wilane regrette également le manque d’implication des collectivités territoriales. Selon lui, les communes et départements, pourtant en première ligne sur les services publics de base — santé, éducation, infrastructures — sont tenus à l’écart de la mise en œuvre du plan. « On assiste à un repli centralisateur dangereux. Le développement ne peut se faire sans les territoires. Cette recentralisation va à l’encontre de la réforme de l’Acte III de la décentralisation », critique-t-il.

Appel à une refonte du dispositif

Face à ce qu’il considère comme un plan plus politique que technique, Abdoulaye Wilane appelle à une révision profonde de « Jubbanti Koom ». Il exige :

  • La suppression des mesures fiscales jugées injustes,

  • Un cadrage économique sérieux, en ligne avec les normes communautaires,

  • Un dialogue national inclusif, associant opposition, syndicats, société civile et collectivités,

  • Un mécanisme de suivi transparent et participatif, pour éviter les dérives.

« Le redressement du Sénégal ne peut pas se construire sur l’exclusion, l’opacité et l’injustice fiscale. Il faut un projet partagé, économiquement solide et socialement équitable », conclut Wilane.

La rédaction de la SENTV.info 

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