Présidentielle en Côte d’Ivoire : La justice écarte Tidjane Thiam, l’enjeu de la nationalité relancé
SENTV : À six mois de l’élection présidentielle prévue le 25 octobre prochain, la candidature de Tidjane Thiam, figure montante de l’opposition ivoirienne et président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), vient d’être stoppée net par une décision judiciaire lourde de conséquences. Le tribunal d’Abidjan a ordonné, mardi, la radiation de M. Thiam de la liste électorale, au motif qu’il aurait perdu sa nationalité ivoirienne en acquérant celle de la France en 1987.
« La présidente du tribunal a estimé que le président Thiam avait perdu la nationalité ivoirienne lorsqu’il a obtenu la nationalité française, en application de l’article 48 du code de la nationalité », a déclaré à la presse Me Ange Rodrigue Dadjé, l’un des avocats de l’opposant. Cette disposition, héritée des années 1960, stipule qu’un citoyen ivoirien ayant acquis une autre nationalité de son plein gré perd automatiquement sa nationalité d’origine – sauf s’il est binational de naissance.
Une décision sans appel
La radiation prononcée n’est pas susceptible de recours, ce qui rend impossible – pour l’heure – une candidature de M. Thiam à la prochaine présidentielle. L’ancien patron du Crédit Suisse avait pourtant officiellement renoncé à sa nationalité française en mars, pour se conformer à la Constitution ivoirienne, qui interdit aux binationaux de se présenter à l’élection suprême.
Ses avocats affirment avoir produit des pièces démontrant que M. Thiam détenait la nationalité française de naissance, via son père, ce qui pourrait le placer dans une catégorie exonérée de la perte automatique de la nationalité ivoirienne. Des éléments que le tribunal n’a pas retenus.
Climat politique tendu
Cette décision alimente les soupçons d’un processus électoral verrouillé. Depuis plusieurs semaines, les proches de Tidjane Thiam dénoncent ce qu’ils qualifient de « manœuvres d’exclusion orchestrées par le pouvoir en place », visant à éliminer les principaux challengers de la course présidentielle.
Le cas de M. Thiam n’est pas isolé. Trois autres figures majeures de l’opposition – l’ancien président Laurent Gbagbo, son ex-ministre Charles Blé Goudé, et l’ex-chef rebelle Guillaume Soro – figurent également parmi les radiés, cette fois pour des raisons judiciaires liées à des condamnations antérieures.
Une campagne sous haute tension
Le retrait de Tidjane Thiam du paysage électoral risque de profondément reconfigurer la campagne, dans un contexte où le débat sur la nationalité refait surface comme un enjeu politique majeur. Si la présidentielle se veut un moment de consolidation démocratique, les conditions de transparence et d’inclusivité semblent de plus en plus contestées par l’opposition et une partie de la société civile.
La Commission électorale indépendante (CEI), pour l’heure silencieuse sur cette décision, est désormais sous pression pour clarifier les règles du jeu, alors que le pays entre dans une phase électorale décisive.