Procès d’Abdou Nguer : entre liberté d’expression et dérives numériques, le tribunal de Dakar face à un dossier sensible

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SENTV: Le procès très attendu du chroniqueur , Abdou Nguer, et de son co-prévenu Pape Amadou Ndiaye Diaw, s’est tenu ce mercredi devant le tribunal correctionnel de Dakar dans une atmosphère tendue, sous les regards attentifs d’observateurs des médias, de défenseurs des droits humains et du grand public.

Poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles, offense au chef de l’État et apologie de crimes ou délits, Abdou Nguer voit son activité de commentateur de l’actualité politique remise en question par la justice. Son co-prévenu, Pape Amadou Ndiaye Diaw, administrateur du compte TikTok « Abdou Nguer seul », est quant à lui poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles.

Les deux prévenus ont été jugés dans une procédure conjointe portant sur un même fait générateur : la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo évoquant la mort de Mamadou Badio Camara, ancien président du Conseil constitutionnel, accompagnée d’un commentaire appelant à une autopsie.

À la barre, Abdou Nguer a rejeté les accusations. « Ce sont des commentaires sur l’actualité. Je n’ai jamais eu l’intention de nuire. Je ne suis pas l’auteur de la vidéo incriminée », s’est-il défendu, affirmant que ses propos relevaient du « droit à la critique » et de la liberté d’opinion.

Le juge a toutefois rappelé plusieurs extraits de ses vidéos, notamment ses déclarations sur un prétendu écart de 104 milliards de FCFA dans les comptes publics après le départ de Macky Sall, une information tirée du rapport de la Cour des comptes. Abdou Nguer a tenté de se justifier : « Ce sont des chiffres publics, je les ai analysés à ma manière. »

Concernant le projet de loi d’amnistie, il a également soutenu avoir uniquement commenté la portée du texte, qu’il jugeait « déséquilibrée au profit des forces de sécurité ».

Contrairement à son co-prévenu, Pape Amadou Ndiaye Diaw a reconnu les faits, admettant avoir posté la vidéo sur la plateforme TikTok. « Je voulais juste avoir des vues, je ne pensais pas commettre une infraction », a-t-il déclaré, visiblement conscient de la portée juridique de son acte.

Le procureur de la République n’a pas mâché ses mots dans son réquisitoire. Il a dénoncé des propos dangereux, une volonté manifeste de manipuler l’opinion et une apologie de violences, notamment à travers des déclarations jugées ambigües sur les forces de l’ordre face aux manifestants.

Selon le ministère public, la gravité réside dans le fait que « les contenus diffusés participent à une entreprise de désinformation, s’attaquant à l’honneur des institutions et jetant le discrédit sur les autorités de la République ».

Le parquet a requis deux ans de prison dont un an ferme contre Abdou Nguer, assortis d’une amende de 500 000 FCFA, et six mois ferme contre Pape Amadou Ndiaye Diaw, avec une amende de 100 000 FCFA.

Au-delà des débats juridiques, ce procès met en lumière la difficulté croissante de réguler les propos diffusés sur les réseaux sociaux, où les lignes entre commentaire, satire et infraction pénale deviennent floues.

Faut-il considérer les chroniqueurs comme de simples observateurs ou les tenir pour responsables d’un discours potentiellement nuisible à la cohésion sociale ? Et jusqu’où va la liberté d’expression dans un contexte de forte tension politique ?

Le verdict du tribunal est attendu dans les prochains jours. Il pourrait faire jurisprudence dans la gestion des dérives numériques et des responsabilités liées à la diffusion de contenus sensibles sur les réseaux sociaux au Sénégal.

La rédaction de la SENTV.info

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