SENTV : Dans un contexte sécuritaire toujours plus tendu, les autorités maliennes ont annoncé une extension des couvre-feux dans plusieurs régions du pays. Après Tombouctou, Sikasso et Dioïla, c’est désormais Ségou, au centre du Mali, qui voit sa vie nocturne suspendue. Une décision inédite dans cette région densément peuplée, qui reflète l’ampleur des menaces posées par les groupes jihadistes, en particulier ceux liés au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM/JNIM).
Le couvre-feu, entré en vigueur le mercredi 4 juin, impose aux 3,5 millions d’habitants de la région de rester confinés entre 21 h et 6 h. Il est initialement prévu pour 30 jours, renouvelables, selon les autorités locales. Officiellement, la mesure vise à prévenir de nouvelles attaques alors que le JNIM multiplie ses actions dans le centre du pays, notamment contre les sites miniers et les convois civils.
Une mesure exceptionnelle en temps de paix
Hors période de pandémie, jamais Ségou n’avait connu une telle restriction. La décision intervient alors que des villages entiers sont bloqués par les jihadistes, qui y interdisent les mouvements de personnes et le ravitaillement en vivres. Ces zones vivent sous une pression constante, dans un silence souvent imposé par la peur.
Un enseignant de l’université de Ségou s’en remet à la lucidité, non sans inquiétude :
« Ce n’est pas absurde, ils ont sans doute des renseignements sérieux. Le risque est élevé. Mais c’est aussi profondément inquiétant. »
Un coup dur pour l’économie locale
La décision n’est pas sans conséquences. Alors que la fête de la Tabaski est célébrée ce vendredi 6 juin, les transporteurs, commerçants et restaurateurs dénoncent l’impact économique immédiat. Dans un pays où l’essentiel des activités commerciales se déroule à la tombée de la nuit, l’interdiction de circuler après 21 h frappe durement.
Un agriculteur-entrepreneur du secteur agroalimentaire de Ségou exprime son désarroi :
« Ce couvre-feu n’est pas une solution. Il va bloquer les flux, les marchés, et décourager les déplacements liés à la Tabaski. C’est toute l’activité économique qui risque de sombrer. »
Un restaurateur du centre-ville, dépité, confirme :
« Déjà qu’il n’y avait presque pas de clients, maintenant on nous retire le service du soir. C’est un coup extrêmement dur. »
Vers une généralisation nationale ?
La multiplication des zones concernées par les restrictions fait craindre une extension généralisée du couvre-feu à tout le territoire. Si le nord du pays vit sous cette contrainte depuis des années, la progression de la menace jihadiste vers le sud et l’ouest du Mali, y compris dans des régions jusqu’ici épargnées, marque une nouvelle étape de l’insécurité.
Dans certaines zones, les restrictions se traduisent non pas par un couvre-feu, mais par une limitation de la circulation des véhicules, comme c’est le cas dans la région de Nioro. Une tactique défensive que les autorités justifient par la nécessité de limiter les déplacements suspects de groupes armés.
Alors que le Mali poursuit sa transition sous la houlette des autorités militaires, ces mesures de sécurité de plus en plus étendues rappellent que la reconquête territoriale affichée par Bamako reste inachevée. À l’approche des échéances politiques attendues pour fin 2025, la priorité sécuritaire semble reléguer les urgences sociales et économiques au second plan — au prix d’un climat de tension permanente.