Sénégal : entre drames en mer et silence politique, quelle responsabilité pour l’État face à l’immigration clandestine ?
SENTV : Alors que les départs clandestins par la mer continuent de coûter des vies, de plus en plus de voix s’élèvent pour pointer du doigt la responsabilité de l’État sénégalais. Au-delà des opérations de secours et des appels à la fermeté, la question reste posée : quelles mesures structurelles sont vraiment mises en œuvre pour endiguer le phénomène — et prévenir le désespoir qui pousse tant de jeunes à tenter le tout pour le tout ?
- En 2024, les forces de défense et de sécurité du Sénégal ont intercepté 5 192 personnes tentant de rejoindre l’Europe par la mer. Parmi elles, 407 ont été renvoyées devant la justice.
- Dans le même temps, 105 corps ont été retrouvés suite à des naufrages de pirogues ou à des accidents en mer.
- En 2025, au large de la zone maritime de Foundiougne, les fusiliers marins ont intercepté 201 migrants, dont des femmes, des enfants et des ressortissants de plusieurs nations de la sous-région.
- En octobre 2024, l’Union européenne a accordé au Sénégal une enveloppe de 30 millions d’euros pour renforcer la prévention de la migration irrégulière, la sensibilisation, et la lutte contre les réseaux de trafic de personnes.
- Le gouvernement sénégalais s’est doté d’une stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière, qui prévoit des mesures de contrôle aux frontières maritimes, terrestres et aériennes, ainsi que des campagnes de sensibilisation.
- Le président Macky Sall (avant la transition vers l’actuel pouvoir) avait demandé des mesures d’urgence sécuritaires, économiques et sociales afin de réduire les départs clandestins.
- Coopération internationale : subventions européennes, projets avec l’OIM pour protection des migrants après débarquement.
- Selon des ONG locales, l’intervention de l’État reste trop axée sur la répression (interceptions, arrestations), sans mesures suffisantes pour s’attaquer aux causes profondes — pauvreté, chômage, faiblesses dans les secteurs comme la pêche artisanale.
- Boubacar Seye, président de l’organisation Horizon sans frontières, déplore que « l’État ne fasse que communiquer sur les interceptions ». Pour lui, l’approche policière seule ne suffit pas.
- Beaucoup relèvent l’insuffisance des moyens (logistiques, matériel pour les patrouilles maritimes, infrastructures de prévention, etc.) et la fragilité des politiques économiques destinées à retenir les jeunes au pays.
L’État sénégalais porte une responsabilité multiple face à l’immigration clandestine :
- Responsabilité de protection : assurer la sécurité de ses citoyens, prévenir les drames en mer, apporter une réponse rapide et efficace pour les secours. Les chiffres de morts et disparus montrent que cette tâche reste partiellement remplie.
- Responsabilité de prévention : créer des perspectives de vie décente — emploi, formation, infrastructures — surtout pour les jeunes et les communautés côtières affaiblies. Sans cela, la tentation de partir reste forte.
- Responsabilité de gouvernance : transparence dans les politiques, suivi des stratégies annoncées, implication effective des acteurs locaux (collectivités, pêcheurs, ONG). Les critiques sur le manque d’actions au-delà du discours soulignent un déficit de crédibilité.
- Responsabilité de coordination internationale : utiliser l’aide extérieure pour des projets durables, veiller à ce que les fonds ne se limitent pas à la mise en place de mesures de surveillance ou de répression mais soutiennent l’insertion sociale, économique, la protection des droits humains.
Pour sortir du cercle des drames, il faudrait une politique globale mêlant :
- Renforcement de l’éducation, de la formation professionnelle pour les zones vulnérables.
- Appui aux filières économiques locales — pêche artisanale, agriculture — qui sont des pôles potentiels d’emploi.
- Meilleur aménagement des infrastructures de sécurité côtière, de secours maritime, de gestion des pirogues.
- Campagnes de sensibilisation crédibles, impliquant les communautés.
- Transparence dans l’usage des fonds reçus de partenaires étrangers : que les projets soient suivis, évalués, ajustés.
Par la rédaction de la SENTV.info