SENTV : Le Sénégal, longtemps présenté comme un modèle de stabilité en Afrique de l’Ouest, traverse aujourd’hui une phase critique marquée par des opportunités économiques majeures, mais aussi par d’importantes fragilités budgétaires et des tensions politiques croissantes.
Une croissance dopée par les hydrocarbures… mais à quel prix ?
L’un des points saillants de la situation économique actuelle est la reprise vigoureuse du PIB. Selon le Fonds monétaire international, le Sénégal pourrait enregistrer une croissance de plus de 10 % en 2025. Par ailleurs, la Banque africaine de développement estime un taux de croissance de 10,2 % en 2025. Ces projections optimistes proviennent en grande partie du démarrage de la production pétrolière (champ de Sangomar) et gazière (Grand Tortue Ahmeyim), ainsi que de la mise en exploitation de la mine d’or de Boto.
Ces ressources naturelles apparaissent aujourd’hui comme un moteur de croissance sans précédent. Mais l’euphorie économique masque une réalité plus nuancée : les gains liés aux hydrocarbures risquent de masquer la fragilité d’un modèle trop dépendant de ressources volatiles.
Le revers de la médaille apparaît dans les finances publiques. D’après l’Inspection Générale des Finances et un audit rendu public récemment, une part importante de la dette du Sénégal n’avait pas été révélée. Selon ces analyses, le déficit budgétaire serait largement sous-estimé et la dette publique pourrait atteindre près de 100 % du PIB.
Dans le même temps, S&P a récemment dégradé la note souveraine du Sénégal à « CCC + », citant des tensions importantes sur le refinancement de la dette, des besoins d’emprunt élevés et un déficit budgétaire qui reste très lourd. Les obligations souveraines du pays sont sous pression, avec des rendements qui grimpent, ce qui augmente encore le coût de sa dette.
Des réformes en urgence… et une gouvernance sous pression
Face à cette situation, le gouvernement, dirigé par le Premier ministre Ousmane Sonko, a annoncé un plan de redressement économique ambitieux. Parmi les mesures évoquées : réduction des subventions énergétiques, réforme fiscale (élargissement de l’assiette, taxation des transferts mobiles, du foncier), et maîtrise des dépenses publiques.
Le FMI, qui vient de conclure une mission à Dakar, salue les efforts de transparence engagés par les autorités, notamment en ce qui concerne la dette cachée. Dans son communiqué, le Fonds indique que le nouveau programme budgétaire vise à ramener le déficit à 5,4 % du PIB en 2026, grâce notamment à de nouveaux impôts et à une réduction progressive des exonérations fiscales.
Parallèlement aux défis économiques, le climat politique reste tendu. La révélation de la dette cachée a ravivé le débat sur la responsabilité de la précédente administration et sur la qualité de la gouvernance démocratique au Sénégal. Certains observateurs soulignent que la promesse de “transparence totale” du nouveau pouvoir est mise à rude épreuve, tandis que d’autres craignent que les mesures d’austérité ne pèsent lourdement sur les classes populaires.
À cela s’ajoute la nécessité pour le gouvernement d’assurer un équilibre délicat : d’un côté, rassurer les investisseurs et les bailleurs de fonds (comme le FMI), de l’autre, éviter une réaction sociale défavorable en mettant en œuvre des réformes douloureuses.
Risques de refinancement : Avec une dégradation de la note souveraine et des obligations à rendements élevés, le Sénégal pourrait se retrouver à court de marge de manœuvre si elle ne parvient pas à assainir ses finances.
Dépendance aux hydrocarbures : Si la production pétro-gazière constitue une aubaine, elle expose le pays aux chocs de prix et aux aléas géopolitiques.
Réformes structurelles nécessaires : Le redressement semble conditionné à des réformes fiscales profondes, dont l’acceptabilité sociale n’est pas assurée.
Stabilité politique : Pour que le plan de redressement réussisse, une gouvernance crédible, transparente et inclusive est indispensable.
Le Sénégal se trouve à un tournant historique. Porté par un essor économique spectaculaire, notamment grâce aux hydrocarbures, le pays dispose d’atouts indéniables. Cependant, la bombe à retardement de la dette cachée, combinée à des engagements de réforme ambitieux, impose un ajustement délicat. Le nouveau gouvernement devra naviguer entre discipline budgétaire et justice sociale — un équilibre qui déterminera si le Sénégal peut transformer sa croissance d’aujourd’hui en prospérité durable, ou s’il basculera dans une crise plus grave.
La rédaction de la SENTV.info