Séparation des pouvoirs : Le Conseil constitutionnel freine l’Assemblée sur l’audition des magistrats (Document)
THIEYSENEGAL.com : Le Conseil constitutionnel, dans sa délibération n° 2/C/2025 rendue publique ce 24 juillet, vient de censurer partiellement la loi organique n° 09/2025 du 27 juin 2025 portant nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale. En cause : certaines dispositions permettant la convocation de magistrats par des commissions parlementaires, jugées contraires à la Constitution.
Saisi pour contrôle de constitutionnalité avant promulgation, le Conseil a tout d’abord validé la régularité de la procédure d’adoption de la loi. Celle-ci abroge les textes antérieurs (n° 78-21 de 1978 et n° 2002-20 modifiée en 2002), actualisant en profondeur le fonctionnement interne de l’Assemblée.
Mais c’est sur le fond que le Conseil constitutionnel a apposé un correctif majeur.
L’indépendance judiciaire au cœur de la décision
Les « sept sages » ont rappelé avec force un principe intangible de l’État de droit : l’indépendance du pouvoir judiciaire, inscrite à l’article 88 de la Constitution. Cette indépendance interdit toute forme d’ingérence, qu’elle vienne de l’exécutif ou du législatif, dans le fonctionnement de la justice.
Dans cette logique, les dispositions législatives permettant au Parlement de convoquer des magistrats ont été jugées attentatoires à la séparation des pouvoirs. Pour les juges constitutionnels, permettre de telles convocations sans encadrement strict revient à créer une immixtion directe du pouvoir législatif dans le judiciaire — une entorse grave à la neutralité des institutions.
Des garde-fous reconnus, mais encadrés
Toutefois, le Conseil n’a pas fermé la porte aux auditions de magistrats dans le cadre des commissions d’enquête parlementaires. Il admet leur possible intervention sous trois conditions cumulatives, qui deviennent désormais les nouvelles balises constitutionnelles :
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Volontariat absolu du magistrat concerné.
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Limitation stricte des faits abordés : uniquement ceux relatifs à l’organisation générale de la justice, hors du champ des affaires en cours ou passées.
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Respect total du secret des délibérations et de l’instruction, pierre angulaire du fonctionnement judiciaire.
Ainsi, l’alinéa 5 de l’article 56 de la loi organique a été jugé conforme, sous réserve d’interprétation. Cela signifie qu’il ne pourra être appliqué que s’il respecte scrupuleusement ces garde-fous.
Une censure ciblée, mais significative
En revanche, plusieurs articles ont été frappés d’inconstitutionnalité :
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L’alinéa 2 de l’article 56,
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L’alinéa 6 de l’article 60,
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L’alinéa 6 de l’article 111,
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Et l’article 134 dans son intégralité.
Selon le Conseil, ces articles donnaient au Parlement un pouvoir de convocation et d’interrogation trop étendu, sans garantie suffisante du respect de l’indépendance fonctionnelle des magistrats.
Une mise en garde institutionnelle
Cette décision acte une limite constitutionnelle claire au pouvoir de contrôle parlementaire, qui ne peut s’exercer au détriment d’un autre pouvoir. Elle s’inscrit dans une jurisprudence constante du Conseil visant à prévenir tout chevauchement dangereux des compétences institutionnelles.
Pour les observateurs, ce rappel à l’ordre survient dans un climat où la tentation de politiser la justice reste un risque latent. La décision 2/C/2025 sonne comme un avertissement solennel : dans une démocratie, le juge ne peut être l’objet de pressions politiques, même indirectes.









La rédaction de la SENTV.info