SENTV : Dans l’intimité des foyers sénégalais, une forme de violence persiste à l’abri des regards, rarement dénoncée, souvent justifiée au nom des traditions : celle exercée par la belle-famille contre les femmes. Au croisement de la domination patriarcale, de la pression sociale et des non-dits culturels, cette réalité fait des ravages encore largement ignorés.
Comme le rappelle Sud Quotidien dans une enquête récente, ces violences intrafamiliales s’inscrivent dans un cadre multiforme et insidieux : propos humiliants, contrôle économique, stigmatisation fondée sur l’origine ethnique ou la stérilité, violences physiques ou encore exclusion sociale. Elles sont difficiles à quantifier, car rarement signalées ou reconnues comme telles, y compris par les victimes elles-mêmes.
Une violence souvent psychologique, toujours destructrice
Nombre de femmes interrogées témoignent d’un quotidien fait de critiques permanentes, d’humiliations publiques et de dénigrement systématique, parfois dès les premiers jours du mariage. Dans certains cas, la belle-famille interdit à l’épouse de travailler, de gérer ses revenus, ou lui reproche son absence d’enfants, perçue comme une tare. Ces violences symboliques et économiques s’ancrent dans une logique de contrôle, où la femme reste perçue comme une étrangère tolérée, conditionnelle à sa « valeur reproductive ».
Une normalisation dramatique, un impact profond
Ce type de violences, banalisées voire ritualisées dans certaines communautés, provoque une détérioration sévère de la santé mentale des victimes, accentuée par l’absence de soutien social. Selon plusieurs psychologues cliniciens à Dakar, les femmes subissent un isolement progressif, souvent renforcé par la passivité de l’époux ou par la peur du divorce.
L’affaire récente de Tambacounda, où une femme aurait été battue à mort par des membres de sa belle-famille, a brutalement révélé l’issue tragique que peuvent prendre ces situations lorsqu’aucune alerte n’est prise au sérieux.
Un arsenal juridique inadapté face à des violences « invisibles »
Le vide juridique entourant les violences exercées par des membres de la famille élargie (autres que le conjoint) complique toute poursuite. Les infractions restent rarement qualifiées comme violences basées sur le genre, et les mécanismes d’écoute ou de médiation restent embryonnaires.
Pour Fatou Kiné Camara, juriste et militante féministe, il est urgent que le droit sénégalais reconnaisse pleinement les violences intrafamiliales au-delà du cadre conjugal, et que des campagnes nationales de sensibilisation soient engagées. « Le silence est notre premier ennemi. Tant que la souffrance des femmes sera camouflée au nom de la tradition, aucune réforme ne pourra produire de véritables effets », souligne-t-elle.
Briser le silence pour reconstruire
La société civile, portée par des organisations comme Réseau Siggil Jigéen ou Japalé ma Jigéen, appelle à la mise en place de cellules d’écoute communautaires, à la formation des leaders religieux et coutumiers, et à un accompagnement juridique renforcé pour les femmes qui souhaitent dénoncer ces violences.
Car derrière chaque silence, il y a une femme en détresse, un droit bafoué, une société fragilisée. Briser les tabous sur la violence exercée par la belle-famille est le premier pas vers une protection globale des droits des femmes au Sénégal.
La rédaction de la SENTV.info