Souveraineté pharmaceutique au Sénégal : Une usine de Thiès à l’avant-garde pour réduire le coût de la dialyse
SENTV : Avec l’usine Carrefour Médical Industrie, l’espoir d’une production locale de consommables de dialyse devient réalité, et pourrait révolutionner la prise en charge des insuffisants rénaux.
Le Sénégal amorce un virage stratégique vers l’autonomie pharmaceutique dans le domaine de la néphrologie. En témoigne l’initiative saluée par les spécialistes lors du 5ᵉ Congrès de la Société sénégalaise de néphrologie, qui s’est tenu à Saly durant trois jours. En marge de cette rencontre, des experts venus d’Afrique de l’Ouest ont visité l’usine Carrefour Médical Industrie, implantée à Pout, dans la région de Thiès. Cette structure pourrait jouer un rôle déterminant dans la baisse du coût de la dialyse au Sénégal.
« Chaque année, l’État débourse environ 6 milliards de francs CFA pour traiter moins de 1 500 patients dans le secteur public. Ce chiffre illustre à lui seul le paradoxe entre la forte demande en soins de dialyse et la faible capacité de prise en charge », a souligné le Professeur Abdou Niang, président de la Société sénégalaise de néphrologie et président en exercice de la Société africaine de néphrologie. Pour lui, la solution passe par une fabrication locale des consommables essentiels aux séances de dialyse.
Actuellement, les consommables sont majoritairement importés d’Europe ou d’Asie, avec des surcoûts logistiques (transport, douane) qui pèsent lourd sur les budgets publics. « Ce que l’on paie très cher, ce sont parfois des produits constitués essentiellement d’eau et de quelques composés chimiques. La fabrication sur place permettrait d’en finir avec cette dépendance et ces frais excessifs », déplore Pr Niang.
Selon lui, la production locale ne permettrait pas seulement une réduction significative des coûts – estimée à près de 30 à 40 % à terme – mais aussi l’élargissement de la couverture. « Aujourd’hui, des centaines de patients nécessitant une dialyse ne sont pas pris en charge, faute de ressources. Si nous faisons baisser le coût unitaire des séances, nous pourrons intégrer davantage de malades dans le système », a-t-il affirmé.
L’usine de Pout, dirigée par le Docteur Massamba Dione, pharmacien industriel, fabrique notamment des concentrés de dialyse indispensables au bon déroulement des séances. « Notre objectif est d’assurer un approvisionnement stable pour le Sénégal, mais aussi pour les pays voisins qui souffrent du même problème de dépendance extérieure », a déclaré Dr Dione.
Ce projet s’inscrit pleinement dans la politique de souveraineté pharmaceutique impulsée par les autorités sénégalaises, notamment depuis la pandémie de COVID-19, qui a mis en lumière les vulnérabilités des systèmes de santé africains. L’usine s’inscrit également dans un plan plus large visant à doter le pays d’une industrie pharmaceutique robuste, capable de répondre aux besoins locaux en matière de médicaments et de dispositifs médicaux.
Pour l’heure, la production reste encore partielle, avec des matières premières importées. Mais des projets de partenariat sont en cours pour une intégration plus complète de la chaîne de fabrication. Des discussions sont également ouvertes pour des commandes groupées au niveau de la CEDEAO, afin de garantir des économies d’échelle et une pérennité de l’outil industriel.
« C’est un modèle à suivre. La fabrication locale permet non seulement de réduire les coûts, mais elle offre aussi des emplois, renforce les compétences locales et protège les malades de l’inflation des prix mondiaux », conclut Pr Niang.
Si elle parvient à s’ancrer durablement, cette initiative pourrait être un tournant dans la prise en charge de l’insuffisance rénale au Sénégal, tout en traçant la voie vers une souveraineté pharmaceutique effective en Afrique de l’Ouest. L’enjeu est de taille : sauver plus de vies, à moindre coût.
La rédaction de la SENTV.info