Statut du chef de l’opposition : Decroix démonte un concept « importé » et appelle à repenser le rôle des partis politiques
SENTV : Dans une note rendue publique lundi 9 juin, Mamadou Diop Decroix, secrétaire général du parti Ànd-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (AJ/PADS), s’est prononcé avec fermeté sur le débat autour de l’instauration d’un statut du chef de l’opposition au Sénégal, relancé dans le cadre du Dialogue national. L’ancien ministre y voit une initiative inadaptée, déconnectée des réalités politiques sénégalaises, et appelle à un débat plus profond sur le rôle des partis dans le développement national.
Pour Decroix, la notion même de chef de l’opposition est une construction exogène, née d’un modèle politique occidental importé en Afrique francophone à la faveur de l’ouverture démocratique amorcée par le sommet de La Baule en 1990. À l’époque, rappelle-t-il, les bailleurs et puissances partenaires avaient encouragé une structuration plus formelle du champ politique, avec l’idée d’un contre-pouvoir institutionnalisé pour stabiliser les régimes multipartites fragiles.
Or, estime l’ancien député, ce schéma ne correspond ni aux besoins spécifiques du Sénégal ni à la manière dont son opposition politique s’est historiquement construite :
« Il ne s’agit donc nullement d’un quelconque besoin interne. Le statut de chef de l’opposition est un produit d’importation, conçu pour une certaine stabilité de façade dans les régimes africains post-conférence nationale », écrit-il.
Selon Mamadou Diop Decroix, ni les partis d’opposition ni la société civile n’ont jamais réellement revendiqué ce statut. Il rappelle que les tentatives d’instauration sous les présidents Abdoulaye Wade puis Macky Sall ont échoué, en raison de profonds désaccords sur les critères de désignation – notamment la question de savoir si le poste devait revenir au chef du principal parti parlementaire ou au candidat arrivé deuxième à l’élection présidentielle.
« L’opposition n’a jamais été demandeuse d’un chef. C’est le pouvoir en place qui a toujours agité cette idée, mais sans volonté claire de mise en œuvre », insiste-t-il.
Plutôt que de s’enliser dans ce débat jugé périphérique, le leader de AJ/PADS appelle à recentrer la discussion sur l’essentiel : le rôle des partis politiques dans la construction nationale. Il milite pour une redéfinition des missions des formations politiques dans une logique de contribution effective au développement économique, social et culturel du pays.
Dans cette perspective, Decroix invite à établir des mécanismes d’évaluation et de contrôle, notamment dans le cadre du financement public des partis. Il insiste sur la nécessité de renforcer l’utilité sociale des partis au service de l’intérêt général.
« Les partis doivent être utiles à la société. Il est parfaitement possible de les inscrire davantage dans une dynamique nationale, à condition de clarifier leur mission et de les encadrer efficacement », conclut-il.
Cette sortie tranche avec le ton général des discussions autour du Dialogue national, où plusieurs figures politiques voient dans le statut du chef de l’opposition un moyen d’encadrer démocratiquement les tensions et de clarifier les rapports institutionnels. Mais la prise de position de Mamadou Diop Decroix relance un débat de fond sur la finalité même du pluralisme politique au Sénégal, à un moment où la scène politique connaît une recomposition rapide depuis l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye.
La rédaction de la SENTV.info