Tabaski sous tension : au Sénégal, le mouton devient un luxe inabordable, loin des réalités tchadiennes
SENTV : À l’approche de la Tabaski, fête emblématique du calendrier musulman, la flambée des prix du mouton alimente l’inquiétude dans de nombreux foyers sénégalais. Sur les marchés de Dakar, Pikine, Touba ou encore Kaolack, le prix d’un mouton « standard » oscille désormais entre 80 000 et 300 000 francs CFA, selon les dernières estimations. Une hausse vertigineuse qui tranche avec les prix observés au Tchad, où un animal similaire s’échange actuellement entre 35 000 et 75 000 francs CFA, notamment à Bol, dans l’ouest du pays.
Cette disparité, près de quatre fois plus élevée au Sénégal, illustre les tensions structurelles qui pèsent sur le marché du bétail en Afrique de l’Ouest. Les commerçants invoquent des difficultés d’approvisionnement liées à une rareté croissante du cheptel, à la hausse des coûts du transport et de l’alimentation animale, mais aussi à la fermeture ou au contrôle renforcé de certaines frontières régionales, notamment avec le Mali et la Mauritanie, principaux pays fournisseurs du bétail sénégalais.
« Même avec 150 000 francs, je ne trouve pas un mouton de taille moyenne pour ma famille », déplore Ibrahima, fonctionnaire à Rufisque. « L’année dernière, à ce prix, j’avais deux bêtes. Aujourd’hui, c’est impensable. »
En zone rurale, la situation est à peine meilleure. Bien que l’approvisionnement soit parfois plus fluide, la demande urbaine et les intermédiaires font grimper les prix dès que les camions quittent les zones pastorales. À ce phénomène s’ajoute une pression économique globale, marquée par une inflation continue sur les produits de base, affaiblissant encore le pouvoir d’achat des ménages.
Dans ce contexte, de nombreuses familles renoncent à sacrifier un mouton, symbole central de la Tabaski, ou sollicitent des prêts, dons ou aides associatives. Certaines organisations caritatives ont d’ores et déjà lancé des campagnes de solidarité, notamment dans les quartiers les plus vulnérables de la banlieue dakaroise.
À N’Djamena, en revanche, malgré des plaintes similaires de la population, le marché reste relativement stable. Le coût du transport moins élevé, la proximité des zones d’élevage et une moindre pression spéculative expliquent en partie cette différence. Mais cela ne suffit pas à rassurer : le Tchad subit aussi, en parallèle, les effets du changement climatique sur le pâturage et la mobilité des éleveurs nomades.
Conclusion : la Tabaski 2025 met à nu les fractures économiques entre les pays sahéliens, mais aussi au sein même des sociétés africaines, où la célébration du sacrifice devient une épreuve financière pour une majorité. Si aucune mesure urgente de soutien ou de régulation n’est prise, la dimension spirituelle et communautaire de cette fête risque, elle aussi, de s’effriter au fil des années.
La rédaction de la SENTV.info