SENTV : L’enquête sur l’un des plus gros dossiers de suspicion de malversations dans les marchés publics refait surface avec fracas. L’affaire dite « ASER », du nom de l’Agence sénégalaise d’électrification rurale, connaît un nouveau développement ce jeudi avec la convocation de Saer Niang, ancien directeur général de l’Autorité de régulation de la commande publique (ARCOP). Selon L’Observateur, il doit être entendu à 11h comme simple témoin, mais dans un dossier où chaque déposition peut infléchir le cours de l’instruction.
Le dossier avait longtemps stagné avant d’être relancé par une plainte déposée au Pool judiciaire financier par le député Thierno Alassane Sall. L’ancien ministre, devenu fervent défenseur de la transparence, affirme que de graves anomalies auraient entaché l’attribution d’un vaste marché d’électrification rurale, concernant notamment les régions de Kaffrine, Saint-Louis et Kédougou.
Au cœur de ses accusations : des irrégularités qui pourraient représenter jusqu’à 37 milliards de francs CFA de soupçons de détournements, une somme qui place le dossier parmi les plus sensibles de la commande publique récente.
L’élu d’opposition a été entendu le 10 novembre, ouvrant une nouvelle phase d’investigations visant à distinguer les faits avérés des spéculations alimentées par la polémique politique.
Les enquêteurs de la Brigade de recherches de Colobane veulent obtenir des précisions sur un acte déterminant : la décision n°107 du 20 octobre 2024, par laquelle l’ARCOP avait suspendu le marché attribué par entente directe par l’ASER à la société Ace Power Epe.
Cette suspension faisait suite à une saisine du cabinet Me Boubacar Koïta et Associés, représentant Aee Power Sénégal, qui dénonçait des irrégularités dans la procédure d’attribution.
Pour les enquêteurs, comprendre les motivations exactes de cette décision, ainsi que les pressions éventuelles entourant le processus, pourrait permettre de reconstituer la chaîne des responsabilités et d’identifier les zones d’opacité dans l’exécution du marché.
Un témoin stratégique dans une affaire aux multiples ramifications
Bien que convoqué comme simple témoin, Saer Niang demeure un acteur incontournable du dossier : en tant qu’ancien patron de l’ARCOP, il a été au cœur du processus de régulation des marchés publics et des décisions de suspension ou de validation.
Son audition pourrait donc permettre :
d’éclairer les divergences entre documents administratifs et pratiques sur le terrain,
de comprendre l’origine des contestations entre prestataires concurrents,
d’établir si la suspension du marché était fondée sur des irrégularités techniques ou si elle relève d’un bras de fer commercial et politique.
Avec ses ramifications politiques, techniques et financières, l’affaire ASER reste l’un des dossiers les plus scrutés du moment. Entre accusations d’entente directe mal fondée, dénonciations d’irrégularités et interrogations sur les circuits financiers, les enquêteurs tentent de démêler un enchevêtrement complexe.
L’audition de Saer Niang pourrait ainsi constituer un moment clé, alors que la justice cherche à établir, au-delà du tumulte politique, ce qui relève réellement de la responsabilité opérationnelle, de la faute administrative ou, au contraire, d’une procédure délibérément dévoyée.