Criminalité faunique : Affaire de Kaolack, une peine très faible et à contre-courant de la volonté du Sénégal de lutter activement contre ce trafic.
Le mercredi 30 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Kaolack a rendu une décision relative à l’affaire Abdou Karim Diop, un trafiquant majeur de peaux de félins et d’autres espèces arrêté le mois dernier en flagrant délit de détention, circulation et commercialisation d’espèces animales intégralement protégées, au total 106 peaux provenant de 22 espèces animales différentes ont été saisis sur lui.
La valeur de cette contrebande était inestimable, rien que les peaux de lions s’élevait à plus de 3.000.000 FCFA, sans parler de la centaine d’autres peaux saisis. Ce trafiquant fait partie d’un réseau criminel organisé à grande échelle, impliquant des trafiquants nigériens ayant des connexions avec le Mali, le Kenya, le Niger, la Guinée. Le commerce illégal des espèces est organisé par des réseaux criminels souvent puissants, professionnels et influents.
Le tribunal de grande instance de Kaolack, statuant publiquement et contradictoirement déclare le prévenu coupable, le condamne à 6 mois de prison avec sursis, avec une amende de 500.000 FCFA et des dommages et intérêts à 1.000.000 FCFA et fixe la contrainte par corps au maximum. Donc pas de prison ferme.
Cette très faible peine est largement en dessous des attentes du Ministère de l’Environnement et de sa Direction des Parcs Nationaux. Ce sera encore une surprise pour la communauté internationale qui a félicité le pays quand il s’est engagé dans cette lutte. C’est contradictoire car le pays a démarré les opérations de répression contre ce trafic il y a 3 ans mais peine à infliger des sanctions fortes.
Pourtant, si on se fie à la loi en vigueur au Sénégal, la peine aurait dû être plus sévère. Les faits qui sont reprochés au trafiquant Abdou Karim Diop relèvent d’une peine correctionnelle allant de 1 an à 5 ans d’emprisonnement, quatre chefs d’accusations ont été retenus contre lui, notamment la complicité d’abattage et de capture (Art. L27 du code de la chasse et de la protection de la faune) qui prévoit 1 an à 5 an de prison.
Ce genre de décision de Justice encourage les trafiquants à continuer en toute impunité. Ce trafic leur ramène beaucoup d’argent, ils se disent donc que ça vaut le coup de continuer car si ils sont arrêté ils prendront du sursis.
Au Sénégal il y a plus de lions morts sur les marchés que vivants dans le pays. Des investigations révèlent qu’aux quatre coins du pays plusieurs centaines de lions sont vendus entier ou en morceaux, alors qu’il reste moins de cent lions vivants dans le pays. Si le Sénégal ne veut pas que ses derniers lions disparaissent, la Justice doit être ferme avec les trafiquants. Ces réseaux de trafiquants font venir ces peaux de lions en contrebande depuis de nombreux pays d’Afrique de l’Est et Centrale, le Sénégal est devenu une plaque tournante de ce trafic international spécialisé.
Une condamnation faible ne fait aucunement renoncer les trafiquants de faune, qui faute de condamnations lourdes reprennent très rapidement leurs activités illicites car très lucratives. Pour lutter contre ce crime organisé, les pays africains très en avance dans cette lutte, comme le Kenya, applique désormais la prison à vie pour trafic d’ivoire dans certain cas, la prison est la seule force de dissuasion efficace contre ce trafic qui décime l’Afrique et profite majoritairement aux pays asiatiques.
Pour rappel, le commerce illégal des espèces sauvages est un crime organisé transnational qui occupe le quatrième rang des commerces illicites dans le monde après la drogue, les armes, le blanchiment et le trafic d’être humain. Il amasse des bénéfices illicites d’environ 20 milliards de dollars chaque année. Ce trafic, notamment le trafic d’ivoire est une source de financement pour des groupes terroristes, ce qui leur permet de continuer à déstabiliser des régions entières d’Afrique. Qu’il convient avec le contexte actuel du pays où la menace terroriste n’est plus un secret de sévèrement punir toutes les activités illégales connexes comme celle-ci.
Youssouf NDIONGUE : La Rédaction SENTV.info