« Le monde rural : le drame permanent ! » (Par Alassane K. KITANE)

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SENTV : Bourse de sécurité familiale, Cash transfert et mallettes d’argent en période de campagne électorale : le monde rural est, dans l’esthétique du pouvoir, inondé d’empathie et de sollicitude. Mais dans les faits, c’est un univers qui est en train de s’enfoncer dans les abimes de l’enfer du désespoir.

Au lieu de les aider à devenir indépendants par la fourniture d’intrants en quantité et en qualité ; au lieu de les former à la culture non pluviale, on préfère les maintenir dans la situation de quémandeurs de pitance.

Cette injustice faite au monde rural est une grave violation des droits de l’homme et de l’équité sociale. Les ressources publiques sont concentrées dans la recherche du confort des populations des zones urbaines ; pendant ce temps, on manque de tout dans le monde rural. On les affame d’abord, ensuite, comme un sapeur-pompier pyromane, on feint la philanthropie en leur apportant une aide dont ils auraient pu se passer si on s’était convenablement acquitté de ce qu’on leur doit. Ils votent pour un régime aussi sadique, et semblent même bénir la main qui les maintient dans la pauvreté et le servage.

Ils se démènent avec du fumier pour fertiliser les sols et quand les récoltes arrivent, c’est l’Etat qui fixe le prix de ces récoltes. L’engrais qui devrait enrichir les sols finit dans les réseaux de trafiquants sans vergogne pour enrichir les poches des personnes qui n’ont absolument rien à voir avec l’agriculture. Si l’Etat le voulait aujourd’hui des filières mafieuses seraient démantelées et les coupables envoyés dans les geôles. Le monde rural se meurt, et l’opposition doit désormais concentrer tous ses efforts dans la prise en charge de ce drame permanent entretenu par des affairistes au cœur de l’Etat. Les chefs religieux doivent avoir l’information ; ce qui se passe dans le monde rural risque de nous valoir l’enfer collectif malgré nos prières et incantations.

Comment peut-on espérer une agriculture performante sur des sols aussi lessivés si les entrants sont hors de portée ? Comment un pays qui a du phosphate de qualité supérieure et les ICS peut-il être aussi démuni en matière de production et de subvention d’engrais ? Demander à un paysan qui vit presque quatre mois de période de soudure de débourser entre 27.000f à 30.000 f pour avoir le sac d’engrais, c’est évidemment lui demander de brasser du vent. Il y a des paradoxes incompréhensibles pour un pays qui prétend miser sur l’agriculture pour s’industrialiser et se développer. Les phosphates de Matam avaient été présentés comme de l’engrais quasi naturel qui ne nécessite pas beaucoup de transformation chimique, mais aucun impact sur notre agriculture.

Un pays où on a trouvé un moyen de mentionner dans la Constitution que les ressources naturelles appartiennent au peuple sénégalais (c’est ce qu’on appelle de la gesticulation politique) est donc incapable de transformer ces richesses pour en faire bénéficier les citoyens ! Le plus grand échec de nos système et politique agricoles c’est la stagnation du rang du Sénégal dans la production d’arachide. S’il est vrai que la production nationale, à l’image de celle mondiale, connaît une constante hausse, le Sénégal n’a jamais pu dépasser le rang de 7e producteur mondial. On nous rétorquera que les pays comme la Chine, le Nigeria, les Etats-Unis, l’Indonésie, etc. ont plus de moyens techniques et parfois de surfaces cultivées. Oui, mais n’oublions pas que dans ces pays il y a plusieurs cultures dans lesquelles on fait les mêmes performances sinon mieux. Mais notre pays est-il champion (même en Afrique dans une quelconque filière ?

La culture de l’arachide n’est pas seulement une activité agricole, elle est devenue une culture au sens culturel du terme. Quel potentiel alors ! A l’époque où la pluviométrie était et les récoltes bonnes, la traite de l’arachide faisait vivre et vibrer toute la campagne : mariage, mbapatt, lël, mbànd, etc. Cette filière devenue culturelle aurait dû bénéficier de véritables politiques de planification, de modernisation et d’industrialisation, mais on est resté dans l’informel. C’est la culture qui est parfois la locomotive du développement : il faut doper les populations par leur culture pour booster leur productivité. Rien que la mise en valeur audiovisuelle par des documentaires et des films aurait pu davantage crédibiliser le mode de vie rural et, par ricochet, pousser les jeunes vers l’agriculture. Mais on préfère des films qui crétinisent les ruraux et subliment les citadins ! Ces télévisions qui sont les complices des gouvernants sont de véritables anesthésiants psychologiques et culturels.

La recherche aurait pu aider à la modernisation de l’agriculture si on avait assis nos universités dans la connaissance et l’exploitation de notre patrimoine. Depuis quand la Sonacos produit de l’électricité à partir de la coque d’arachide : qu’a-t-on fait de ce potentiel ? Pourquoi le Sénégal importe toujours de la nourriture de bétail alors qu’on peut faire beaucoup de choses avec l’arachide et la pastèque ?

Par Alassane K. KITANE

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