Yahya Jammeh, l’ex-président gambien, est donc en exil en Guinée Equatoriale. Il est parti dans la nuit du samedi 14 au dimanche 15 janvier via Conakry où un avion du président Obiang l’attendait pour l’amener à Malabo. Mais, pour le moment, c’est le silence à Malabo. Contactées hier matin, les autorités se refusent même à confirmer l’arrivée de Yahya Jammeh. Mais pourquoi la Guinée Equatoriale ? Cette destination n’est pourtant pas celle qui avait été la plus évoquée au cours des négociations. Selon plusieurs sources proches des négociateurs, la Mauritanie était sur les rangs pour accueillir Yahya Jammeh. Mais c’est la proposition marocaine qui était le plus sérieusement envisagée jusqu’à vendredi. Le Maroc, qui multiplie les offensives diplomatiques au moment où il souhaite réintégrer l’Union africaine, aurait notamment eu la préférence de l’épouse guinéo-marocaine de Yahya Jammeh.
Ce n’est que vendredi, au cours des ultimes négociations, que le président Obiang aurait offert l’asile à l’ex-chef d’Etat gambien, une offre qui aurait eu le double avantage de rassurer Yahya Jammeh face à d’éventuelles poursuites judiciaires, et de rassurer aussi l’équipe d’Adama Barrow et la Cédéao : « Il fallait mieux qu’il soit le plus éloigné géographiquement possible de Banjul », s’accordent nos interlocuteurs.
Toujours selon ces sources, l’option du Nigeria, proposée mi-janvier par le Parlement, aurait été écartée par Jammeh lui-même, d’une part parce que le Nigeria a été un des premiers pays à mobiliser ses troupes pour une intervention et d’autre part car Yahya Jammeh aurait craint d’être éventuellement rattrapé par la justice. En effet, du temps du président Obasanjo, Abuja avait offert l’asile au Libérien Charles Taylor, avant finalement de le livrer au Tribunal spécial pour la Sierra Léone.
De plus, le Nigeria est membre de la Cour pénale internationale, tout comme la Guinée. Conakry n’aurait d’ailleurs jamais été envisagée autrement que comme une étape, affirment nos sources.
L’opposition équato-guinéenne vent debout
Sauf que cet exil en Guinée-Equatoriale n’est du goût de tout le monde. La Convergence pour la démocratie sociale (CDPS), l’un des principaux partis d’opposition dans ce pays, a condamné dans un communiqué rendu public ce dimanche l’initiative du président Obiang d’accorder l’asile au dictateur gambien, Yahya Jammeh, en parlant d’une décision qui viole, selon lui, les lois en vigueur.
« Monsieur Obiang n’a consulté aucune institution, n’a consulté personne ici avant de prendre sa décision, c’est-à-dire que Monsieur Obiang ne respecte pas les institutions du pays, de la République, critique Andrés Esono, le secrétaire général de la CDPS. Il prend ses décisions comme il veut, et quand il veut. »
Et le CDPS ne veut pas d’un « dictateur » dans le pays. « Je crois que cet homme devrait faire face à la justice de son pays. Nous ne pouvons lui donner un exil d’or ici, quand il a commis beaucoup de crimes chez lui. »
rfi