Violences faites aux femmes : le cri d’alerte renouvelé de Ndeye Madjiguène Sarr pour des réformes urgentes
SENTV : À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, célébrée le 25 novembre, l’Association des Juristes du Sénégal (AJS) a réaffirmé son engagement pour la protection des femmes. Sa représentante, la juriste Ndèye Madjiguène Sarr, a porté un plaidoyer ferme en faveur d’une révision des textes juridiques jugés encore discriminatoires et d’un accompagnement renforcé des victimes.
Instaurée par l’ONU en mémoire des sœurs Mirabal, assassinées le 25 novembre 1960 en République dominicaine, cette journée rappelle un fléau persistant : près d’une femme sur trois dans le monde a déjà subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire intime, selon les Nations Unies.
Selon Ndèye Madjiguène Sarr, les violences faites aux femmes représentent 60 % des cas traités dans les boutiques de droits de l’AJS. Pourtant, ces données ne peuvent être étendues à l’échelle nationale, faute de dénonciations suffisantes.
« La plupart des femmes victimes ne saisissent ni la police, ni la gendarmerie, ni même les boutiques de droits », souligne-t-elle.
Elle appelle les femmes à rompre le silence : « Il faut dénoncer pour être protégée. »
La peur comme principal verrou
La juriste rappelle que beaucoup de victimes restent auprès de leur agresseur, par crainte de stigmatisation ou de sanctions familiales. Pressions sociales, menaces d’expulsion du domicile, peur de la répudiation : les obstacles sont multiples.
« Le défi majeur reste la méconnaissance des droits par les femmes », insiste-t-elle.
Des articles du Code de la famille à moderniser
Ndèye Madjiguène Sarr demande une révision urgente de plusieurs dispositions du Code de la famille :
Article 111 : âge légal du mariage, toujours fixé à 16 ans pour les filles ;
Article 196 : impossibilité pour une mère de revendiquer la paternité sans test ADN ;
Article 277 : puissance paternelle accordant un pouvoir excessif au père.
Pour l’AJS, ces articles ne répondent plus aux normes actuelles de protection des femmes et des enfants.
« Toutes les conventions internationales reconnaissent 18 ans comme âge minimum du mariage pour les deux époux. Pourtant, l’article 111 maintient un déséquilibre et expose certaines mineures à des unions précoces », déplore-t-elle.
Elle pointe également les abus liés à l’article 277 : refus de père de signer les autorisations de sortie, blocages administratifs, chantage… autant de situations où les mères restent démunies.
Pour l’édition 2024-2025, la campagne internationale « 16 jours d’activisme » met l’accent sur la lutte contre les violences numériques faites aux femmes et aux filles.
Selon Sarr, le numérique ouvre autant d’opportunités que de dérives : cyberharcèlement, sextorsion, violation de l’intimité, diffusion non consentie d’images…
« L’internet, c’est comme la rue : sans maîtrise, les dérives sont inévitables. Les violences classiques existent désormais en version numérique », avertit-elle.
Elle recommande un soutien renforcé à la Commission de protection des données personnelles pour mieux protéger les femmes, et surtout les enfants, face aux risques en ligne.
Adoptée il y a plus de quatre ans, la loi criminalisant le viol et la pédophilie marque, selon la juriste, une avancée majeure :
sanctions plus sévères, pouvant atteindre 20 ans de réclusion ;
allongement du délai de prescription ;
encouragement des victimes à poursuivre les auteurs.
« La sévérité des peines est dissuasive. Deux minutes de plaisir ne valent pas 20 ans de prison », affirme-t-elle.
Cependant, elle appelle à des mesures d’accompagnement : traduction de la loi dans toutes les langues nationales, réduction des délais d’instruction, renforcement du nombre de juges, et vulgarisation du texte auprès des communautés.
L’AJS poursuit ses initiatives à travers des sessions de sensibilisation, des réformes internes et des actions de terrain dans une quinzaine de localités du pays. Son objectif : que chaque femme connaisse ses droits et puisse accéder à une protection réelle.