“Aujourd’hui, j’ai voulu peindre le drapeau du Sénégal…”

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SENTV : Évidemment, j’ai pris les couleurs de notre drapeau, vert, jaune, rouge. J’étais entrain de contempler mon chef d’œuvre jusqu’à ce que soudainement, de mon drapeau, commence à couler du sang. Imaginez ma surprise lorsque toutes les couleurs se sont transformées en une seule, qu’est le rouge.

Où est le vert qui représente l’islam, où est passé le jaune symbole de la patrie, et notre étoile synonyme d’espoir? Pourquoi ont-ils été noyés dans le désespoir, les sacrifices, la peur, l’abandon représentés par la couleur du sang?

Optimiste que je suis, j’ai donc décidé de peindre la carte du Sénégal. La beauté de mon tableau fesait un clin d’œil à chaque passant. Mon tableau avait sa place au Musée du Louvre, au Musée des civilisations africaines, à côté des arts exposés pour leur histoire, leur beauté et la qualité de leur travail.

Je suis tombée des nues lorsque mon Sénégal s’est transformé en Mer, d’où les sénégalais que j’avais peint sourire aux lèvres, tam-tam entre les jambes, sont repêchés avec la peau pâle, le regard vide, un cœur en silence.

Devant ce désarroi, mon projet n’était plus désormais de peindre le Sénégal mais de comprendre pourquoi le Sénégal n’est plus le pays de la Teranga.

J’ai sillonné la carte politique, il en sont ressortis la trahison, la malversation, la tromperie, les mensonges, le pillage de ressources et enfin l’exploitation de la conscience du peuple.

J’ai fouillé dans les anales de l’éducation, j’ai été confronté aux grèves, aux années invalides, aux bourses non versées, à l’insalubrité des restaurants universitaires, au sous-paiement des enseignants.

Je me suis donc tourné vers la santé, je suis tombée sur des autorités qui considéraient le Sénégal comme leur cimetière, qui préfèrent se soigner à l’étranger mais être enterré au Sénégal, j’ai vu des villes sans hôpitaux, des villages sans eaux potables, des femmes qui accouchaient sur des charrettes et parfois qui en mourraient en emportant avec elle le bébé…

Toujours dans mon élan d’optimisme, je me suis dite que je pouvais apercevoir de bonnes choses dans l’urbanisme. Quelle fut ma surprise lorsque j’ai vu des maisons et arbres rasés au motif d’un chemin de fer sur lequel un train ne circulera jamais, j’ai vu des maisons englouties par la pluie, des pères de familles à genoux, les mains levées vers le ciel, implorant Dieu de loger leur femme et enfants.

Devant cette situation, je me suis arrêtée de chercher le bon là où il y en avait plus. Ce rouge est le symbole de ce sang versé en l’honneur du désespoir, de ces 480 corps repêchés de la mer, du choix qu’ont fait les sénégalais de mourir plutôt que de vivre dans la pauvreté, dans le bafouement des principes, dans le déni de justice. Le Sénégal est devenu une morgue où les seules dépenses faites par l’Etat sont le maintien du froid afin que les corps ne pourrissent pas.

J’espère que de cette expérience nous apprendront à ne plus troquer notre voyer contre un billet de 2000frs, une bouteille d’huile et un t-shirt, j’espère que de cette expérience nous comprendront que le vrai pouvoir c’est nous le peuple qui le détenons et si eux ils s’en glorifient aujourd’hui c’est par ce que nous avons bien voulu qu’ils soient sur le trône.

Li koumou yeewoul doto yeewou beu abadane.
#hommageanosmorts
#senegalcimetiere

* Aïssata Dia
Etudiante à Renne (France)

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