Salaf est le mot par lequel les Arabes désignent les ancêtres. Une autre du pluriel de ce mot est aslaf. Cinq siècles après la disparition du Prophète (psl) un certain Ibn Taymiya( il est mort en 1326) était venu s’attaquer au fameux Al Ghazali et surtout à Ibn Araby qui était considéré comme un des plus grands pôles soufis.
Ce que l’on considère comme l’enseignement d’Ibn Taymiya est, en réalité, une série de fatwas. C’est-à-dire des avis jurisprudentiels sur la Charia ‘a, mais qui rompent nettement avec les pratiques de l’Islam sous le Prophète (psl), ses successeurs et les nombreuses générations qui ont vécu l’Islam pendant 700 ans.
Pour ce faire, Ibn Taymiya s’est arrogé, plutôt a usurpé, la qualité de censeur du Coran. Parce qu’il citait un verset mais prononçait la limitation de sa portée. Par rapport à un autre verset où il fait le contraire. C’est-à-dire qu’il le déclare relâché. Mieux, il promulgue des récits de hadiths qu’il présentait dans une forme qui n’en faisait qu’une sorte de fourre-tout où il met tout ce que bon lui semble. Son recueil de fatwas est contenu dans plus de vingt tomes selon les éditions.
A sa décharge, l’homme vivait sous le régime des mamelouks et prônait une résistance vis-à-vis de l’invasion mongole. Il déclara les gouvernants de l’époque apostasiés.
Cependant, considérer toutes les générations futures (postérieures) de musulmans comme des renégats est une aberration et relève de l’inacceptable.
Ce point de vue extrémiste d’Ibn Taymiya fut adopté par Ibn Al Quaym Al Jawziya, son disciple et concitoyen de Damas.
Les écrits des deux hommes n’ont pas eu d’impact sur leurs contemporains. Ils sont restés en marge, contrairement à Al Ghazali et Ibn Araby. C’est là qu’a commencé l’antagonisme entre Salafistes et Soufis.
C’était la période des grands ouvrages :
• Le IHYA d’Al Ghazali (XIIème siècle)
• AL FOUTOUHAT (vingt tomes) d’Ibn Araby, un autre habitant de Damas.
• KHALH NAALEYNI (se déchausser) du fondateur du Mouridisme espagnol ou du Mouridisme Précurseur (an 1111), Al Méria. Et qui serait l’ancêtre de Habiboulah, référence ancestrale de Cheikh Ahmadou Bamba.
C’est donc de cette période (XIIème, XIIIème, XIVème siècles) que date la fondation du soufisme. Et la réplique salafiste, elle, date de la fin du XIIIème siècle avec Ibn Taymiya et le milieu du XIVème siècle avec Ibn Al Quaym.
Il a fallu attendre le début du XVIIIème siècle, soit 400 ans après, pour que cet enseignement soit relayé par le fameux Mohamed Abdel Wahhab qui opèrera deux prouesses.
L’une est d’adopter l’enseignement de ses deux devanciers, l’autre étant de nouer une alliance avec la famille Al Saoud. Qui, de son Najd natal a conquis le Hedjaz d’où elle chassa la famille Hachémite, descendante du Prophète (psl), (Jordanie). Contrôlant, ainsi, les deux lieux les plus sacrés de l’Islam ; c’est-à-dire la Mecque et Médine.
Ce royaume est devenu de doctrine wahhabite et salafiste par à leurs deux ancêtres vénérés cités plus haut. il a, ainsi, acquis une place centrale par rapport à l’ensemble des peuples musulmans. les pétrodollars sont venus, ensuite, compléter la triptyque de la puissance : doctrine, Etat, finances.
Cependant cette doctrine a ses faiblesses. La première est qu’au lieu de se contenter des 7000 hadiths contenus dans le recueil de l’Imam Malick (90 ans après le Prophète (psl)), le Mouwatta, elle a préféré des recueils exagérément prolixes et dont les auteurs sont de piètres arabisants. Tels qu’Al Boukhari, Mouslim et, plus particulièrement, Al Bani.
Leurs recueils contiennent entre 400000 et 600000 hadiths. Al Bani est auteur du recueil préféré du wahhabisme de 300000 hadiths et je l’ai connu personnellement. Non seulement il n’est pas contemporain du Prophète (psl) mais cet Albanais est mort en 1999.
La première conséquence de cette puissance salafiste est qu’elle a cassé de la fraternité en Islam consacrée par le Coran qui dit : « Les musulmans sont frères ». Ainsi que les hadiths irréfutables du Prophète (psl) : « Le tout d’un musulman est illicite par rapport à un autre musulman, c’est-à-dire son sang, son bien et son honneur ».
Mais pour eux cela ne s’applique pas lorsqu’il s’agit d’un musulman qui ne pratique pas la doctrine salafiste.
Voilà donc ce qui est enseigné par le wahhabisme qui prône : « Tuez-les tous, même s’il s’agit de votre père, votre mère, votre sœur. »
Les parricides s’arrogent les unes des journaux dans les pays arabes. Tels ces deux jumeaux de vingt ans qui ont eu à égorger leur mère qui leur a déconseillé de se joindre aux djihadistes.
Cet enseignement a vu sa mise en application par le fameux Ibn Baz, l’homme à la double cécité (physique et intellectuelle) et son successeur, Al Outeymine. J’ai d’ailleurs eu à discuter de la question liée à la Salatoul Fatiha.
Avant eux, et plus proche de chez nous, il y a eu l’Algérien Ibn Badys mort en 1940.
Mais aussi son contemporain d’origine mauritanienne, Ibn Mayaba contre les écrits duquel mon père, Mame Khalifa Niasse, a écrit en 1929 son fameux livre, La Riposte. Mettant en garde l’Humanité contre la doctrine qui vise sa dislocation en inversant les fondements de l’Islam.
Cette doctrine se base sur les formes, en commençant par nier tout droit à la femme. Lorsque Dieu dit s’adresser à la raison humaine, eux remplacent cette raison par l’organe phallique. Ils vont jusqu’à refuser à la femme le droit de conduire sa propre voiture, ne serait-ce que pour sauver la vie de son enfant malade. Et, même, d’avoir sa photo sur une pièce d’identité de peur que par ce moyen elle ne soit harcelée.
Pour les salafistes une femme se résume à l’ampleur de son port vestimentaire et son acceptation de n’être qu’un objet. Idem pour l’homme dont la taille de la barbe et la longueur relative de son habillement constituent l’essentiel de sa foi. Sans oublier la référence aux ancêtres, pour ne pas dire aux bons ancêtres ( Salaf, Salih).
Cela nous rappelle nous rappelle la fameuse ibadatoul aslaf.
L’Islam sénégalais soufi est lui-même entaché d’un salafisme d’ordre ancestral. Voir mon article sur internet : le mamisme. Le plus grave c’est que l’Université Islamique de Médine, creuset du wahhabisme, édite des livres qui sont une incitation au meurtre.
Plus particulièrement contre les membres des confréries et surtout les Tidianes. Le principal reproche des Salafistes à la Tidinyah est axé sur la prétendue affirmation selon laquelle la Salatoul Fatiha récité un certain nombre de fois équivaudrait à la récitation de tout le Coran.
Pour en déduire indûment que la foi des Tidianes consiste en l’utilisation d’un texte qui serait meilleur que le Coran. Or, dans leur conception les Salafistes acceptent que la récitation de la Sourate Ikhlas récité un certain nombre de fois équivaut à tout le Coran. Cette évaluation spirituelle n’appartient pas au credo mais à des sous entendus.
Autant dire qu’il serait malhonnête de déduire de la dernière affirmation que la Sourate est meilleure que le Coran. La logique anti Salafiste est du même ordre. L’argument des Tidianes est que la Salatoul Fatiha est une simple demande adressée à Dieu pour qu’Il bénisse le Prophète Mohamed (psl). Toutefois si elle est exaucée elle prendrait alors une valeur incommensurable. Parce qu’un simple acte anodin d’un humain, s’il est exaucé, déclenche un acte divin. C’est l’acte divin qui est incommensurable. Le Coran l’est.
La prière du divin sur le Prophète (psl) est ordonnée par le Coran : « Sache que Dieu et Ses anges (bénissent) prient sur le Prophète. Oh vous croyants priez (bénissez-le) sur lui et sanctifiez-le. »
Nous ne sommes donc pas dans une hiérarchie textuelle par rapport au Coran mais dans un ordre de déduction logique en matière de rapport de cause à effet.
Les mosquées écoles qui pratiquent cet enseignement se trouvent à Dakar et non dans sa banlieue. Si l’on en croit au Commissaire Mendy, chargé de la Cellule Ant Terroriste qui nous rassure en nous disant qu’ils les surveillent sérieusement. Il va jusqu’à donner le chiffre de 30 terroristes potentiels et précise que leur apparence dans ces mosquée écoles n’est que trompeuse. Si l’on se fie à l’émission de RFI, le Débat Africain d’Alain Foccat disponible sur internet. Corroboré par l’éminent Professeur Bakary Samb de l’université Gaston Berger, Directeur de l’Institut Tombouctou.
AHMED KHALIFA NIASSE