Rétro Société 2016 – Abécédaire D’une Année Tumultueuse

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karim wade2Les 360 jours qui se sont écoulés ont vu beaucoup d’évènements malheureux ou heureux se dérouler. EnQuête vous fait redécouvrir de manière ramassée personnages, objets, mots, évènements et dates-clés qui ont fait 2016. A comme accidents : la route aura fait beaucoup de victimes, avec une fin d’année particulièrement meurtrière. La dernière en date à Koumpentoum, une collision entre un bus de transport malien et un camion frigorifique, a fait 13 morts et 14 blessés il y a une dizaine de jours, le 13 décembre plus précisément. Beaucoup de ces victimes ont trépassé dans des conditions atroces puisque qu’une des voitures a pris feu. Une situation telle que 12 corps ont été enterrés sur place. Pis, l’accident est survenu deux jours après que huit personnes ont trouvé la mort, en rentrant du gamou, dans le choc de deux bus de transport ‘‘Ndiaga Ndiaye’’, à Thieumbeul (Ngaye Mékhé). Quant au Magal de Touba, le bilan partiel des sapeurs-pompiers a fait état de 13 morts au jour de la célébration. Suffisant pour susciter l’émoi de la plus haute autorité du pays, Macky Sall, qui prônera une ‘‘tolérance zéro’’ dans un discours tenu le 14 décembre à Diamniadio. En février déjà, deux sœurs revenues de France pour assister aux obsèques de leur père ont trouvé la mort sur l’autoroute El Hadji Malick Sy, victimes de la manœuvre d’un minicar qui voulait sortir du sens unique qu’il a pris. Le mois suivant sera encore plus macabre, 19 morts dans tout le pays, dont une collision à 65 km de Tambacounda le 12 mars, avec un bilan de huit morts. Le débat sur le renouvellement du parc automobile et l’introduction du permis à points toujours théorisés, jamais réalisés, est encore agité.

B comme Boy Djinné : Baye Modou Fall a donné bien du fil à retordre aux autorités policières du pays. Une facilité déconcertante à se faire la malle vaudra à ce cambrioleur le surnom de Micheal Scofield. Même la faculté surnaturelle de se muer en animal pour sortir de prison lui est prêtée. Que nenni ! soutient le ministre de la Justice qui parle de complicités qui ont facilité la tâche au célèbre fugitif. Commissariats, central de Dakar, de la Médina, de Diourbel, de Ziguinchor, n’étaient que de ‘‘piètres garderies’’ pour l’ingénieux amateur de véhicules de luxe. Mais c’est en fin décembre 2015, en s’évadant du pénitencier le plus sûr du pays, Rebeuss, qu’il devient l’ennemi public numéro 1. Le 8 janvier 2016, il tombe à Touba pour cambriolage avant d’être transféré à la Mac de Diourbel d’où il s’évade onze jours plus tard. Le feu-follet diourbellois qui avait tous les services de sécurité à ses trousses trouve refuge en territoire gambien où les demandes d’extradition sénégalaises tombent dans l’oreille du sourd Jammeh. L’espoir de lui mettre le grappin dessus commence à s’envoler lorsqu’il commet l’erreur de sortir de sa cache pour rentrer clandestinement au Sénégal où il se fera prendre à Kalifourou (Vélingara), le 5 juillet, en compagnie de son ami mécanicien et de sa femme Diabou Cham. Le 11 juillet, il est déféré au parquet sous le coup de six chefs d’accusation : association de malfaiteurs, évasions multiples, faux et usage de faux, blanchiment de capitaux, vols aggravés, et complicités. Baye Modou Fall est en attente de jugement.

B (bis) comme blocus : Restons en Gambie où les relations compliquées avec le Sénégal ont connu un point culminant au trimestre février-mars-avril. Le 12 février, les autorités gambiennes ont pris la décision unilatérale d’augmenter les tarifs de passage en terre gambienne pour les camionneurs sénégalais. Un coût qui est passé au centuple, de 4000 à 400 000 F CFA, causant le courroux des transporteurs et leurs représailles. Les syndicats prennent initialement l’initiative de bloquer l’entrée des camions en Gambie avant d’être suivis par les autorités gouvernementales sénégalaises agacées par les sautes d’humeur de Yahya Jammeh. L’enclave gambienne est au bord de l’asphyxie quand des négociations débouchent sur la levée du blocus le 15 mai où les délégations des deux gouvernements parviennent à dissiper les malentendus.

C comme chevillard : Beaucoup de Sénégalais sont devenus familiers avec ce terme mais pour une malheureuse occurrence : la viande d’âne. Le métier de chevillard, grossiste qui abat les bêtes dans un abattoir, a fait l’affaire d’opérateurs peu scrupuleux qui ont sciemment mélangé de la chaire de cet équidé à celle de bœufs ou de moutons. L’affaire qui a causé une psychose alimentaire a éclaté à la société de gestion des abattoirs du Sénégal (Sogas, ex-Seras). ‘‘Je ne peux pas, dit-il, compter le nombre de fois que nous avons eu à faire de telles pratiques. Depuis des mois, nous sommes dans ce business. Notre clientèle est diversifiée’’, a déclaré Babacar Sarr devant les enquêteurs en mai, lors de son audition. Pris en flagrant délit de dépeçage d’ânes au Technopole, ce dernier a expliqué aux enquêteurs que cette pratique se faisait depuis des mois. En compagnie de quatre autres complices qui se sont enfuis, leur motivation était d’abord de vendre la peau d’âne à des Chinois dont l’unité coûte entre 30 et 35 000 F CFA.

E comme enfants : enfants de la rue ou enfants dans la rue ? Question accessoire par rapport à la décision des autorités de combattre le phénomène de la mendicité infantile qui fait fureur à Dakar. Coïncidence ou réelle volonté politique ? Cette mesure survient à la veille d’un rapport du Département d’Etat américain sur la traite des personnes épinglant le Sénégal. Des actions de retrait des enfants de la rue ont ponctué l’activité des services de l’enfance depuis juillet. ‘‘En soixante sorties, on a retiré près de 1 200 enfants sénégalais et étrangers de la rue dans la région de Dakar’’, déclarait le directeur des droits et de la protection de l’Enfance, Niokhobaye Diouf, le 19 décembre dernier, lors du lancement du rapport 2016 sur le bien-être des enfants.

H comme Hissein Habré : le refuge doré de l’ex-président tchadien (1982-1990) s’est mal terminé dans la capitale sénégalaise. Le lundi 30 mai 2016 au tribunal de Dakar, l’ex-homme fort de N’Djamena est reconnu coupable de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, et viols par les Chambres africaines d’assises extraordinaires (Cae). Un verdict du juge Gberdao Gustave Kam qui le condamne à la prison à perpétuité. La décision constitue un précédent historique puisque Habré devient le premier ancien chef d’Etat à être jugé par une juridiction africaine sur le sol africain pour violations des droits de l’Homme. Arrêté le 30 juin 2013, jugé depuis le 20 juillet 2015, Hissein Habré a refusé de s’adresser à la Cour le long du procès, la jugeant illégale. ‘‘Cette affaire n’est pas judiciaire mais politique. Il n’y a qu’une seule issue, que Hissein Habré soit condamné’’, a fustigé Me Ibrahima Diawara, un de ses avocats officiels.

K comme Karim Wade : Le 25 juin 2016, il n’y avait pas que la Grande-Bretagne qui votait sa sortie de l’Union européenne (Brexit). Karim Wade aussi sortait de prison. ‘‘Le président de la République (Macky Sall), par décret n° 2016-880 du 24 juin 2016, a gracié Messieurs Karim Meissa Wade, Ibrahima Aboukhalil dit Bibo Bourgi et Alioune Samba Diassé’’. Un communiqué lapidaire qui constitue un des plus grands rebondissements de la traque des biens mal acquis. Le détenu le plus célèbre de Rebeuss est libéré sans autre forme de procès que de rejoindre l’Emirat du Qatar. La levée d’écrou se passe presque en catimini, mais le poisson était trop gros pour que l’affaire passât sous silence. A ce propos, le débat demeure toujours sur les modalités de son élargissement. Libération, exil forcé, grâce présidentielle, protocole de Doha…sont les principaux termes utilisés pour charger ou créditer un homme dont le retour au pays est réclamé en force par les libéraux du Parti démocratique sénégalais pour les prochaines Législatives. En détention depuis avril 2013, Karim Meissa Wade a été condamné à six ans de prison, en mars 2015, pour enrichissement illicite et à payer une amende de 138 milliards.

L comme Libyens : Deux invités ont ‘‘parasité’’ les célébrations de la fête d’indépendance en avril dernier. Après 14 années de détention sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux, Salem Abdul Salem Ghereby 55 ans, et Omar Khalif Mouhammed Abu Bakr Mahjour Umar 44 ans, quittent la prison américaine de Guantanamo. Ils trouvent refuge au Sénégal par ‘‘ un geste humanitaire’’ du président américain Barack Obama qui avait fait de la fermeture de ce pénitencier une promesse de campagne. Le Sénégal, à l’instar de 26 autres pays dont le Maroc, le Ghana, les Emirats Arabes Unis, le Kazakhstan, la Bosnie-Herzégovine, Oman, la France…est sollicité pour ‘‘recaser’’ ces ex-détenus. Après de vives critiques, le ministre des Affaires étrangères, Mankeur Ndiaye, de justifier cette démarche par le fait de ‘‘répondre à une sollicitation d’ex-détenus africains et musulmans qui ont souhaité se réinstaller au Sénégal après leur élargissement’’.

M comme Mutinerie : Mardi 20 septembre. La mythique prison de Rebeuss frôle une catastrophe humaine. Une mutinerie éclate dans l’enceinte de la prison, avec presque 600 détenus qui ont refusé de regagner leurs cellules après la promenade et chargé la porte pour une tentative d’évasion collective, d’après les explications du ministre de la Justice Sidiki Kaba. Une seule victime, Ibrahima Fall, est à déplorer à titre officiel. Une ‘‘rébellion’’ qui fait suite à la grogne de prisonniers qui dénonçaient depuis quelque temps la surpopulation carcérale et la lenteur des procédures judiciaires. Une semaine auparavant, une grève de la faim avait été initiée par les détenus. Quelques jours après ces malheureux évènements, Sidiki Kaba promet l’accélération de la maison d’arrêt de Sébikotane, la première construite au Sénégal depuis l’indépendance.

P comme profanations : pratique plus que répréhensible qui se sera produit et reproduit, surtout au cimetière de Pikine. L’opinion a assisté cette année, incrédule, aux récits de déterrements de cadavres à des fins inavouées par les gardiens qui étaient censés veiller sur le sommeil éternel des défunts. Le 18 octobre dernier, deux personnes A. Niass et B. Ndiaye citées dans l’affaire des profanations du cimetière de Pikine ont été déférées au parquet pour les faits de violation de sépultures. On se croyait à bout de surprise quand deux autres corps ont été exhumés le 5 décembre par le gardien Djiby Seydi qui se livrait à des pratiques nécrophiles sur les cadavres. La pratique s’est préalablement produite à Yeumbeul, et à Matam.

S comme sac : en principe, ce n’est qu’un simple accessoire de mode. En réalité, il a créé un véritable mini tsunami social. Avec comme victimes certains quidams qui ont eu la galanterie de porter les sacs de leurs épouses. Ils se feront lyncher à Grand Yoff et à Pikine. Mais c’est le chanteur Wally Ballago Seck que certains détracteurs accusent d’inspirer les jeunes par ses mises efféminées qui est dans l’œil du cyclone médiatique. L’affaire allait se tasser le plus normalement du monde quand l’hebdomadaire Jeune Afrique prit le parti du chanteur en caricaturant une figure confrérique sénégalaise avant de retirer la photo sur son site internet, et présenter des excuses. Le jeune chanteur au succès fou ira plus loin dans son amende honorable puisqu’il déchirera sur scène, au Grand-Théâtre, son sac à main, le samedi 30 janvier, devant un public exalté.

S (bis) comme Sidy Mouhamed Boughaleb : un crime dans l’enceinte de l’université de Dakar qui n’est pas resté impuni. A peine un jour après la libération controversée de Karim Wade, le 26 juin, le policier Sidy Mouhamed Boughaleb faisait le chemin inverse en gagnant un ticket de 20 ans d’emprisonnement pour le meurtre de l’étudiant Bassirou Faye. C’est le verdict auquel sont parvenues les Chambres criminelles après une audience-fleuve qui a commencé le vendredi à 10 heures pour finir le samedi à 1 heure 20. ‘‘Verdict politique’’ pour l’avocat de Boughaleb Me Moussa Bocar Thiam, ‘‘justice rendue’’ pour l’ami du défunt, Seth Diagne ; cette affaire sanctionne les violents affrontements qui ont eu lieu le 14 août 2014 à l’Ucad, occasionnant la mort de Bassirou Faye et plusieurs dégâts matériels.

T comme Tueries : Mortelle. Dans la continuité d’une année 2015 létale, 2016 aura choqué l’opinion par des meurtres dont le caractère spectaculaire le dispute à des mobiles plus que sordides. Dans la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 octobre, le taximan Ibrahima Samb est abattu par balles par un autre conducteur, Ousseynou Diop, dans une essencerie sur la Route de l’aéroport, après une altercation sur qui devait se servir en premier de la pompe. A peine un mois plus tard, le 19 novembre, la cinquième vice-présidente du Conseil économique social environnemental (Cese), Fatoumata Matar Ndiaye, est massacrée à son propre domicile par son chauffeur qu’elle a surpris, vraisemblablement en train de la cambrioler. Deux crimes crapuleux qui ont mis tout le pays en émoi, et qui seront malheureusement suivis d’autres meurtres motivés par une tasse de café Touba par exemple. Au point que les esprits échauffés ont vite fait de demander le retour de la peine de mort abrogée en 2004. Les associations religieuses (musulmanes), le député de la majorité parlementaire Seydina Fall dit Boughazelli et l’avocat Me El Hadji Diouf plaident pour la peine capitale. La localité de Keur Mbaye Fall n’a pas été épargnée non plus par cette série de violences sanguinaires en début octobre. Une expédition punitive, organisée par les amis d’un condamné voulait corriger le chef de quartier qualifié de délateur. Mais elle a fait face à un comité de vigilance qui a bastonné à mort un des leurs, P.M. Dieng. Plus d’un mois plus tôt, dans la même localité, c’est Ndèye Yacine Coulibaly qui était retrouvée morte, ligotée dans sa maison le vendredi 19 août, alors qu’elle s’activait dans les préparatifs du baptême de son premier petit enfant prévu le lendemain.

EnQuête

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