Convocation de Téliko au Conseil de discipline du CSM : Non à la surenchère ! Par Alassane Diallo

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SENTV : « Chaque science, chaque étude a son jargon inintelligible, qui semble n’être inventé que pour en défendre les approches ». Voltaire.

 Depuis quelques années, un groupe de magistrats ruent dans les brancards s’étranglant de rage pour montrer leur opposition à la présidence du Conseil supérieur de la magistrature (CMS) par le Président de la République. Ils veulent principalement « limiter l’immixtion du pouvoir politique dans l’exercice du pouvoir judiciaire, en garantissant par la présence de représentants du peuple, la transparence dans la gestion des carrières des magistrats ». Qu’à cela ne tienne ! Jusque-là, on était dans les limites d’un débat ou même d’une revendication convenable pour ce corps d’élite. Mais, le comble, « l’insupportable légèreté », pour reprendre Kundera, c’est quand un juge de la trempe de Souleymane Téliko commente une décision de justice, au point d’écorcher l’autorité de la chose jugée… Téliko et l’UMS veulent-ils diriger le Ministère de la Justice à la place du Ministre ? Objectif raté. Maintenant, la panique semble bien s’être bien installée à son côté, parce qu’il sait pertinemment, en âme et conscience, au-delà des tohu-bohu médiatiques, que le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, n’a fait que transmettre sa convocation par l’Inspection générale de l’Administration de la Justice (IGAJ) au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Et en tant que juge de siège, il sait le risque qu’il encourt, avec le 1er Président et le procureur général de la Cour suprême qui vont se prononcer sur la recevabilité de la saisine…, le juger ou non, le condamner ou non…

Broutille et roupie de sansonnet, pensé-je, face à quatre autres dossiers attendent d’être jugés, sans pour autant susciter autant de charivaris et tintamarres aux relents plus médiatiques que franchement judiciaires. Un homme qui porte la robe de l’honnêteté et du sérieux ne peut et ne doit douter de la moralité et de la droiture de son pair, sans fondements. En quoi, les magistrats, tenants de cette thèse croient-ils être plus honnêtes, courageux et sérieux que leurs autres pairs au moins de la même science, des mêmes compétences ? Arrêtons… ce cirque ! Ce bal masqué qui n’empêche pas d’en identifier les danseurs. Restons donc dans les principes et les prescriptions jusque-là des textes dans leur froideur et les lumières crues qu’ils édictent ! N’est-ce pas que même choisi, entre, par et parmi les pairs, le patron du CMS dépendra toujours du Président de la République, dont il tire sa souveraineté et son pouvoir, puisque le Conseil Supérieur de la Magistrature, institué par la Constitution du 28 août 1960 en son article 60, est un organisme qui assiste le Président de la République, en tant que garant de l’indépendance de la Justice.

Mieux, selon l’ordonnance n° 60-16 du 3 septembre 1960, le CSM est présidé par le Président de la République, le ministre de la Justice étant vice-président ; il ne comprenait que des membres de droit : les premiers présidents et procureurs généraux de la Cour suprême et des cours d’appel. (…) Le droit de recours contre les décisions du CSM statuant en matière disciplinaire est prévu, ce qui n’était pas le cas auparavant. Les recours sont de la compétence de la Cour suprême, où le premier président et le procureur général ne siègent pas.

Pour les nominations, affectations, détachements et disponibilités, le CSM est présidé par le Président de la République. Le ministre de la Justice en est le vice-président. Il est composé, en outre des membres de droit que sont le premier président et le procureur général de la Cour suprême, les premiers présidents et procureurs généraux des cours d’appel actuellement au nombre de cinq, plus les quatre magistrats élus. Ce qui fait dix-huit membres au total. Il siège à la présidence de la République.

Pour la discipline, le CSM est le conseil de discipline des magistrats. Il siège, dans ce cas, à huis clos à la Cour suprême sans la présence du Président de la République et du ministre de la Justice et comprend seize membres tous magistrats…

Il est utile de rappeler, dans le cas d’espèce, que le CSM est aussi une juridiction disciplinaire qui appartient non pas à l’Ordre judiciaire, mais à l’Ordre administratif.

Nul n’ignore que l’Administration, c’est aussi et surtout le droit de réserve. Quel que soit le pays, « tout agent public est soumis à une obligation de discrétion professionnelle concernant le fonctionnement de son administration. Certains agents sont tenus au secret professionnel pour les informations dont ils disposent dans le cadre de leurs fonctions concernant les usagers ». Pourquoi donc certains voudraient-ils que le Sénégal soit, en la matière, une exception ? Et qui plus est, c’est ce que révèle le serment du magistrat consacré par l’article 9 de la Loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 portant Statut des magistrats, rappelé par le magistrat Aliou Niane, dans sa contribution citée plus haut, et parue dans L’As du samedi 03 octobre 2020, à la Une et à la page 4 : « Je jure de bien et loyalement remplir mes fonctions de magistrat, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution et des lois de la République, de garder scrupuleusement le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence des juridictions et d’observer, en tout, la réserve, l’honneur et la dignité que ces fonctions imposent. »
Il ne peut, en aucun cas, être relevé de ce serment. Le serment n’est pas un sermon de circonstance. Il a une valeur fondamentale qui ancre et pétrit celui qui le prononce dans le respect de la déontologie et l’éthique de la responsabilité.

  1. Niane, très lucide dans son opinion et son option, « salue la mobilisation développée au niveau des ressorts (Dakar, Thiès, Kaolack, Saint-Louis) », mais se met « en porte-à-faux avec les objectifs visés », avant dire non à la surenchère ! Pour lui, comme pour tous les hommes honnêtes et doués de raison, « le fait de commenter une décision de justice est une faute ». Que deviendrait l’autorité de la chose jugée, si ce sont les juges, eux-mêmes, qui les remettent en cause ? Qui a, une fois vu, des magistrats réclamer le départ d’un ministre, fût-il, leur tutelle avec laquelle, ils sont opposés sur plusieurs questions ?

Exiger, vous avez dit ? Mais ce vocable est-il donc opposable à un supérieur administratif (?), si l’on a, tant soit peu compris la quintessence de l’article 4 de la Loi organique n° 2017-10 du 17 janvier 2017 portant Statut des magistrats qui stipule :« les magistrats du corps judiciaire sont nommés par décret sur proposition du ministre de la Justice, après avis du Conseil supérieur de la Magistrature » ? Même en France, pays dont certains parmi nous aiment se gargariser des traditions démocratiques bien établies, l’administration est rattachée au pouvoir exécutif, et lui est subordonnée (Voir art. 20 de la Constitution).

Prémisses d’une rébellion annoncée !

Si tout est parti du jour du 06 septembre 2020 où le ministre de la Justice a annoncé avoir saisi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) du rapport n°14/2020 de l’Inspection générale de l’Administration de la Justice (IGAJ), concernant le magistrat Souleymane Téliko, en vue d’une « suite appropriée », Teliko et ses boucliers ont défié leur tutelle et à travers lui, l’Etat du Sénégal. Ils essaient de former un écran de fumée pour empêcher Conseil de discipline de trancher, conformément aux dispositions de la loi organique 2017-10 du 17 janvier 2017, supra.

Depuis lors, c’est la bataille ouverte où l’UMS fait dans la surenchère sur fond d’un usage inconvenant de la pression corporatiste. Surenchère que dénonce et refuse, d’ailleurs, non sans un grand courage, le magistrat Aliou Niane, dans sa contribution, parue dans L’AS du samedi 03 octobre 2020.

Diantre, comment des magistrats peuvent se réunir pour se mettre sur le pied de guerre, réclamer la tête de leur hiérarchie, demander au Président de la République de limoger leur ministre de tutelle, envahir la presse, et y exhiber des titres les uns aussi durs que les autres ? Comment se qualifie une telle attitude ? De l’insubordination, palsambleu ! Une anémie dans le discernement !

C’est que le juge Souleymane Téliko, Président de l’Union des magistrats du Sénégal (UMS) et sa structure ne cachent plus leur volonté de dicter au Département de la Justice la voie à suivre. Cependant, force doit rester à la loi et au respect des institutions. Le Président de la République doit siffler la fin de la récréation. Et cela, en mettant fin à ses nombreuses sorties sur la place publique, pour dénoncer le fonctionnement de notre Justice.

Du jamais vu, dans ce pays ! Un magistrat qui, allègrement s’en prend à sa tutelle et pousse le bouchon jusqu’à demander son renvoi du gouvernement. Ne nous a-t-on pas changé notre Sénégal ? Pourquoi, diable, le laisse-t-on faire ? Autrement d’autres acteurs nous jouerons «la nuit des juges », ce film où des justices sont rendues hors de la justice.

Au moment, où notre pays est en train de remporter la palme d’or pour son expertise dans la lutte contre la Covid19, en se plaçant 1ère en Afrique et 2ème  au niveau mondial comme l’atteste, un respectable et respecté journal américain USA TODAY, avec ce beau titre : «  Gestion de la Covid19 : Le Sénégal, champion d’Afrique », mis en exergue par le journal en ligne, www.financialafrik.com, en date du 06 septembre 2020, et qui ne tarit pas d’éloges la compétence, l’abnégation et le don de soi de nos personnels médicaux (Professeurs, Médecins et tous leurs collaborateurs), le corps qui doit être le dernier rempart contre l’injustice se fait entendre et se remarquer par des sorties méchantes et sordides, pour les beaux yeux d’un magistrat qui ressemble plus à un leader politique en quête d’espace dans  l’opposition, en guerre contre l’Etat. Triste. Pathétique et Révoltant à la fois…

Comme a semblé le dire récemment le journaliste Madiambal Diagne, dans l’une de ses chroniques du lundi, « (…) pourquoi convoquer Ousmane Sonko au Conseil de discipline, et éviter cela à Téliko ? »

D’ailleurs, un flash-back sur les agissements du juge Téliko, révélés par des journaux de la place, et jamais démentis, jusque-là, prouvent aisément qu’il mérite d’y faire un tour. Surtout, en sa qualité de juge, assigné au droit de réserve.

« Déjà, lit-on dans la presse, en août 2017, le juge Souleymane Téliko, alors candidat à la présidence de l’UMS contre le président sortant Maguette Diop, il a mené une campagne âpre, pour convaincre la jeune génération de magistrats. Il présentait son rival comme le « candidat du pouvoir » et de la hiérarchie judiciaire du ministre de la Justice. Il paraît que M. Maguette Diop en avait profondément souffert. Mais si Maguette Diop était le candidat du pouvoir, Teliko était le candidat de qui ? Etait-il celui de l’opposition ? En ce temps, il avait ouvertement et devant tous les magistrats accusé Maguette Diop d’être le « candidat de Benno Book Yakaar ».

Serait-il (Téliko), le candidat donc de la coalition Taxawu Sénégal de Khalifa Sall, dont il a récemment contesté la condamnation, en commentant une décision de justice ? C’était le 12 juillet 2020, sur un plateau télévisé, il a pointé du doigt des erreurs sur la procédure ou de jugement de l’affaire Khalifa Sall, ancien maire de Dakar. Pourquoi ?

A suivre de près, ces récentes déclarations, le juge Téliko semble plus que jamais tourné vers la politique qu’service de la magistrature et de la justice sénégalaise.

En effet, depuis son élection à l’UMS, il n’a jamais bien apprécié un acte posé par le régime de Macky Sall. Tout acte posé par Macky Sall et ses hommes est, à ses yeux, mauvais.

Mieux encore, il se permet commenter des décisions de justice de justice, et s’exprimer sur des questions exclusivement politiques sur lesquelles, il n’est nullement interpellé.

Maintenant, qu’il nous dise s’il a des ambitions politiques. S’il les possède, qu’il les affiche donc avec le preux sans masque en cette fin de virulence même du virus de la COVID-19 !  Si, tel est le cas, qu’il ait le courage de démissionner de la magistrature, rejoindre les rangs à la quête du pouvoir politique comme l’a si bien fait son collègue, l’ex-juge Ibrahima Hamidou Dème, conformément l’article 14 de la loi citée plus haut.

Non, au terrorisme intellectuel qui voudrait envoyer au bûcher tous ceux qui ne soutiennent pas Téliko ! Un soutien ne s’arrache pas, il se mérite. Et l’unanimité n’est pas de ce monde. Non, arrêtons de suivre la meute des réactions émotives…

Faisons confiance à notre appareil administratif et judiciaire.

Téliko ne doit pas avoir peur d’assumer ses propos et actes, devant le Conseil de discipline, comme tout autre citoyen.

Alassane DIALLO, Dakar

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