Force Spéciale du Jeûne chez les Gnostiques ( Par Dr Mbaye DIOUF )

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SENTV : Au Nom d’Allah, le Clément, le Miséricordieux.

Louange à Allah qui ne trépasse jamais. Que la Bénédiction et le Salut d’Allah soient sur le Germe de l’existence.

 » Ô Croyants ! Le jeûne vous est prescrit comme il le fut à vos devanciers, afin que vous atteigniez la Piété. » (Coran 2:183)

Le jeûne fait partie, de ces vielles coutumes identiques dans plusieurs sociétés humaines, de ces pratiques cultuelles présentes dans toutes les religions révélées. Le devoir spirituel du jeûne a été prescrit à l’an 2 de l’Hégire, considéré comme le troisième pilier de l’islam après le Témoignage et la Prière.

Le Jeûne est l’œuvre préférée des serviteurs d’Allah, bouclier des pieux et bien aimé des gnostiques accomplis. Sa prééminence devant les autres actes de dévotions a été prouvée par ce hadith rapporté par Abou Houraira. Le Prophète (Paix et bénédiction sur lui) a dit :  » Toute œuvre du fils d’Adam sera multipliée en sorte que chaque bonne action sera décuplée et elle pourra atteindre sept cent multiples. Allah à Lui la Puissance et la Gloire a dit :  » A l’exception du jeûne qui m’appartient et c’est Moi qui accorde la récompense.  »  » Rapporté par Mouslim

Une récompense qui ne peut être que  » illimitée  » à l’instar de Celle des endurants.  » Les endurants auront leur pleine récompense sans compter. » (Coran 39:10)

Un savant disait que :  » Le jeûne est une œuvre de chasteté sans témoin. Toutes les adorations et les obéissances sont solennelles à part le jeûne que seul Allah voit, car il s’agit d’une action de patience en secret. »

La force du jeûne se manifeste par son aspect purement intérieur, culte qui ne tolère aucune prétention (naturellement, personne ne peut savoir si quelqu’un est en état de jeûne si le concerné ne le divulgue pas), alors que la prière des hypocrites est axée sur le paraître. Jésus (paix sur lui) disait :  » Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites, qui se rendent le visage tout défait, pour montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense. Mais quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais à Dieu qui est là dans le lieu secret. » (Mathieu 6: 16-18)

En montrant cette spécificité du jeûne, Ibn Arabi (qu’Allah l’agrée) nous cite :  » L’Envoyé d’Allah a dit : « Dans le Paradis il y a une porte appelée la Porte du Breuvage Saturant (Bâbu-r-rayyân) par laquelle personne d’autre qu’eux n’entrent. On dira : « Où sont les jeûneurs ? » et ils y entrèrent et lorsque le dernier d’entre eux sera entré ainsi, la porte sera fermée et personne ne pourra plus entrer par cette porte. Une telle chose n’a plus été dite au sujet d’aucune des œuvres prescrites, soit privatives, soit actives, sauf au sujet du Jeûne. » (Fûtùhât, Secrets du jeûne)

Un exemple pertinent qui démontre la force du jeûne devant la prière peut se voir dans le cas d’une femme qui rate ses prières et son jeûne durant ses jours d’impureté. Elle aura l’obligation de rattraper les jours de jeûne alors qu’elle n’en sera pas obligée pour les prières. Mou’az a rapporté qu’elle a demandé à Aicha : « Pourquoi une femme doit jeûner un nombre de jours égal à celui où elle a eu ses menstrues, mais elle ne doit pas faire les prières manquées ? Elle lui répondit :  » Nous les femmes du Prophète subissions les même choses, et on nous a ordonné de jeûner un nombre égal à celui où nous avions nos menstrues, mais jamais les prières manquées. » Rapporté par Mouslim

Un autre constat nous permet d’observer qu’un jour de jeûne contient nécessairement cinq heures de prières alors que le contraire n’est pas toujours vrai.

Cette réalité du jeûne, au-delà de son aspect externe, a comme but ultime : la rencontre du Seigneur dans les plus subtils liens entre la Seigneurie et la servitude. Le Messager d’Allah (Paix et bénédiction sur lui) a dit :  » Celui qui jeûne se réjouit deux fois. La première en rompant le jeûne et la seconde en rencontrant le Seigneur. » Rapporté par Bukhari

Si le jeûne ne nous permet pas de témoigner cette Jouissance de la Communion, elle n’est qu’une pure illusion de faim et de soif indigne de la Réalité Absolue. En expérimentant le jeûne, on découvre comment le corps végétatif est nécessiteux envers la nourriture, cette joie est manifeste lors de la rupture. Dans l’au-delà, on découvrira comment le jeûne constitue un principe de subsistance de l’âme et un moyen sûr de rencontre avec le Seigneur. Chez les Gnostiques, le Paradis se définit comme le lieu de dégustations des œuvres agréées, une dégustation exclusivement spirituelle qui se savoure ICI-bas bien avant l’au-delà.

L’Imam Ghazzali (qu’Allah l’agrée) a dit :  » Sachez que le jeûne comporte trois degrés : le jeûne en général, le jeûne particulier et le jeûne spécial. Le jeûne en général est l’abstention (de manger, boire,…). Le jeûne particulier consiste à ne pas commettre des péchés par l’ouïe, la vue, la langue, la main, le pied et tous les sens. Le jeûne spécial est l’abstention du cœur de se mêler de toute bassesse et de toute pensée concernant la vie sur terre et à sa consécration totale à Allah Seul. » (Ihyà Ulûmu Dî’n)

Parlant du jeûne des élites, Ibn Arabi (qu’Allah l’agrée) nous dit : «   » Les cieux et la terre ne peuvent Me contenir, alors que le cœur de Mon serviteur croyant Me contient ». Le jeûne du cœur consiste dans le fait que cette capacité de contenance se refuse à être habitée par autre chose que son Créateur, car si un autre que le Créateur l’habite, le cœur « rompt le jeûne » dans un temps qui exige l’état de jeûne, cet état impliquant la préférence accordée à son Seigneur sur tout autre que Lui. » (Fûtùhât, Secrets du jeûne)

Ces trois degrés du jeûne énumérés par Ghazzali se retrouvent dans toutes les pratiques cultuelles, et peuvent être compris comme les degrés de la servitude, expliqués par notre Maitre Cheikh Ibrahim (qu’Allah soit satisfait de lui), que sont :

* Ibâdatu : c’est ce que le serviteur accomplit pour Allah

Ubûdiyyatu : c’est ce que le serviteur accomplit par Allah

Ubûdatu : c’est l’anéantissement dans la Présence Divine de tel sorte qu’on ne constate plus l’acte accompli. (Jawahiru rassa’il)

Les actes d’adoration étant apparemment les mêmes mais leurs degrés, devant Dieu, dépendent du niveau de réalisation spirituelle de chaque serviteur.

Le jeûne, avec foi et pureté, reste un moyen sûr d’élévation vers les horizons célestes où les tuyaux d’irrigation des désirs et des passions grossiers sont hermétiquement fermés. En d’autres termes, par le jeûne, le démon qui circule en chacun de nous est affaibli et notre verticalité renforcée. Uniquement dans ce sens, on pourra comprendre le hadith :  » Quand le mois de Ramadan commence, les portes du Paradis s’ouvrent, celles de l’enfer se ferment et les démons sont enchaînés. «  Rapporté par Bukhari

En effet, la Particularité de l’Homme, c’est qu’il peut ressembler à l’Ange en embrassant les affaires célestes de même qu’il peut être plus bas que l’Animal en s’enfonçant dans les désirs corporels. Il est à la fois le meilleur et le pire des créatures.

L’Ange n’a jamais quitté son jeûne, et l’Animal n’a jamais arrêté sa quête à la bouffe, tous les deux occupent des extrémités instables dépourvues de responsabilité. L’Homme incarnant cet être du juste milieu, exprimant la Perfection Absolue du Créateur, a reçu la responsabilité et le Vicariat devant l’Assemblée des créatures. Comprenant cette fonction, l’Homme doit-il jeûner éternellement à l’image de l’Ange ou manger tous les jours comme l’Animal ? Non !

Pour garder sa Tradition et son équilibre Originel, l’Homme doit continuellement manger et jeûner, manger la nuit comme un Animal et jeûner le jour comme un Ange. Le jour étant symbolisme de Lumière et de Vie, la nuit, tout le contraire.

Le serviteur qui actualise cette fonction intègre, selon Ibn Arabi, à l’image de Dieu, la qualité de « Sans pareil ». Ce qui n’a pas de pareil est ce qui est Parfait, ce qui unifie les contraires ! C’est suivant cette Perfection ‘Ramadanique’ que le Verbe Divin fut descendu. Pour celui qui a vu son degré élevé, l’Homme Parfait (al insãnul-kamil) est un Cœur exhibant une jonction parfaite des deux Réalités. Par cette perfection unique, il est le seul serviteur qui a eu accès à l’Attribut Divin (la Parole de l’Essence dans toute Sa Splendeur) véhiculé par l’Archange. Il est le seul capable d’exprimer ce Verbe (Unique, Eternel et Indéterminé) dans l’univers extérieur du Nom, des sens et de la compréhension humaine.

(à suivre…)

Par Dr Mbaye DIOUF
Administrateur du Journal de la FAYDA TIDJANNIYA (https://dioufmbaye.academia.edu/research)
Entomologiste LEVP-UCAD

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