“Le colonel Doumbouya et l’équation du camp Alpha-Yaya…” (Par Barka BA)

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SENTV : Le tombeur du président Alpha Condé semble, pour le moment, tenir le bon bout. Au cours d’une cérémonie solennelle, le colonel Mamady Doumbouya a reçu l’allégeance de l’ensemble des chefs militaires de l’armée guinéenne qui l’ont reconnu comme chef du Comité national pour le Rassemblement et le Développement (CNRD).

Mais pour autant, le nouvel homme fort de la Guinée aurait tort de pavoiser. Le commandant des Forces spéciales qui s’est retourné contre Alpha Condé devra au plus vite soigner ses rapports avec une unité d’élite, composante particulièrement turbulente de l’armée guinéenne : les fameux « Bérets rouges » du Bataillon autonome des troupes aéroportées (BATA), du non moins célèbre camp Alpha-Yaya Diallo, l’un des plus grands de Conakry, qui a abrité dans le passé jusqu’à quatre bataillons.

Réputé être un repaire de « têtes brûlées », c’est de ce camp, situé en pleine capitale, que sont parties beaucoup de mutineries qui ont ébranlé les différents régimes qui se sont succédé à Conakry. Les « Bérets rouges » du BATA ont fait ainsi une entrée tonitruante dans la scène politique guinéenne après l’annonce du décès du général Lansana Conté en 2008.

Les hiérarques de l’armée s’étaient alors immédiatement réunis en conclave pour prendre le pouvoir. Mais, à la surprise générale, alors que beaucoup de hauts gradés manoeuvraient pour être portés à la tête de la junte, c’est un officier subalterne, le capitaine Moussa Dadis Camara, qui sort du lot. Très populaire dans la troupe quand il gérait l’intendance des hydrocarbures, ce sont principalement les sous-officiers de l’armée, sous la menace de leurs armes, qui ont imposé « Dadis » comme chef et comme numéro deux le colonel Sékouba Konaté, ancien commandant du BATA, surnommé « le Tigre » après s’être distingué au combat face aux rebelles de la Sierra Léone, pays alors déchiré par une atroce guerre civile.

Fantasque et véritable « élément hors du commun », le capitaine Camara connaitra une « consécration » quasi mondiale en organisant chaque soir le « Dadis Show », un cirque médiatique inénarrable. Son règne agité, marqué par le massacre survenu au Stade du 28 septembre en 2009 suite à une marche de l’opposition, sera brutalement abrégé par son aide de camp et « préparateur mystique », le lieutenant Aboubacar «Toumba» Diakité, également issu du BATA, dont il était venu personnellement procéder à l’arrestation.

Toumba lui logera deux balles dans la tête avant de réussir à s’exfiltrer de Conakry. Après avoir été assisté par des chirurgiens sénégalais dépêchés par le président Abdoulaye Wade, Dadis sera soigné avec succès dans une clinique marocaine mais trainera de graves séquelles. Après l’accession d’Alpha Condé au pouvoir, l’une de ses premières mesures aura été de se mettre à l’abri des mouvements d’humeur fréquents des soldats souvent incontrôlables du BATA en délocalisant une partie de leurs armes lourdes à Kindia, à environ 130 kilomètres de Conakry.

Et d’ailleurs l’une des raisons secrètes qui l’avaient conduit à la création des Forces spéciales confiées à Mamady Doumbia était justement de pouvoir faire face aux fortes têtes du BATA en cas de coup dur. L’ironie de l’histoire veut donc que cette fois-ci le danger ne soit pas venu du camp Alpha-Yaya mais de ceux qui étaient censés constituer sa nouvelle garde prétorienne choyée, suréquipée et surentrainée.

Le colonel Doumbouya saura-t-il jouer avec les équilibres fragiles d’une armée traversée par beaucoup de clivages et dont Dadis Camara, dans une formule savoureuse, disait que “c’est la seule armée au monde où un caporal peut dire merde à un général” ? En Guinée, la roche tarpéienne est souvent proche du Capitole. Et cela, au vu de la trajectoire tumultueuse de l’armée dont il est désormais le chef, le colonel Doumbouya aurait tort de l’ignorer.

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