« Nouveau partenariat avec l’Afrique : Macron se trompe en cherchant à nous tromper » (Thierno Bocoum)

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SENTV : Nous ne sommes plus à l’ère où des principes coloniaux étaient imposés à des populations autochtones. Les périodes où des indigènes non citoyens français, dont les coutumes, les traditions et les institutions étaient tolérées tant qu’elles n’allaient pas à l’encontre des intérêts de l’autorité coloniale est derrière nous.

Ce sont nos ancêtres respectifs qui étaient concernés. Les nôtres ont subi, ceux des français et françaises se sont imposés pendant plusieurs siècles.

La colonisation qui est un crime contre l’humanité et qui avait révélé un pan cynique de la domination de l’homme par l’homme est un fait dont les conséquences sont encore visibles sur la configuration de nos territoires et sur nos relations avec l’hexagone.

Le Président Macron n’a pas été de ceux qui usaient de la force, de la menace et de la torture pour récolter les biens d’autrui afin d’alimenter la vie de confort de leurs concitoyens. Cette nouvelle génération de français et françaises n’était pas à la base de la mise en place d’un système de contrainte exigeant l’impôt personnel et une sollicitation outrancière de la main-d’œuvre prestataire pour une exploitation de l’économie, au bénéfice de l’administration coloniale et des entreprises privées françaises.

Nous ne pouvons évidemment pas en vouloir à ceux qui n’ont pas été là quand le mal était entretenu par leurs aïeux. Tout comme nous ne sommes pas coupables de la complicité de certains de nos ancêtres dans la politique de domination des autorités française de l’époque.

Le principe d’une responsabilité collective intergénérationnelle ne peut prospérer. Nous devons juger chacun à l’aune de ses responsabilités.

M. Macron n’est pas non plus comptable des actes posés par ses prédécesseurs à la tête de la France en matière de coopération avec l’Afrique. Reconnaissons qu’il est le Président de la République française qui a le plus martelé la fin de la France-Afrique et l’inexistence d’une politique africaine de la France.

Il a bien raison de miser sur les pays africains et de rassurer leurs peuples. Car la France a toutes les chances d’être un partenaire privilégié de l’Afrique. L’histoire que nous partageons, l’enlacement de nos différentes cultures, la langue, la proximité géographique…peuvent être des atouts majeurs dans le cadre d’une coopération gagnant-gagnant.

Cependant, la démarche du Président Macron fait rire et finira par agacer. Elle est cousue de fil bleue blanc rouge dans sa volonté de jouer au plus malin en prolongeant un néocolonialisme à forte dose de pratiques et à faible intensité de propos.

L’ingérence de la France dans les affaires africaines est fortement contestée par le Président Macron et s’en démarque énergiquement au moment où une gestion dynastique du Tchad est soutenue et protégée par son gouvernement. Le fils a été cajolé après s’être emparé du pouvoir suite au décès du père. Ce dernier n’avait pas manqué avant son décès de révéler l’existence d’une main de fer de la France dans les affaires internes du Tchad. Idriss Deby avait publiquement déclaré que la France lui avait exigé de changer la constitution et de se représenter en 2006.

La paix en Afrique est aussi défendue partout par le Président Macron alors que pour des intérêts bassement stratégiques, Kadhafi avait été éliminé, faisant de la Libye le terreau de terroristes qui menacent toute l’Afrique occidentale et créent une instabilité dans beaucoup de pays africains.
Le Président Macron n’est pas responsable de cet acte irresponsable de règlement de comptes quasi personnel de Nicolas Sarkozy. Mais l’actuel Président français se détourne du mal qui continue sa gangrène alors que la continuité du pouvoir exigeait qu’une réparation de cette erreur monumentale soit effectuée par son régime.
La France n’a pas souhaité soutenir sérieusement et directement les États africains qui luttent contre le terrorisme et qui défendent leur souveraineté.
Elle préfère être sur place et diriger les opérations selon les humeurs de ses dirigeants et les intérêts de l’heure. Elle tire les ficelles pour garder intacts ses intérêts stratégiques.

La souveraineté des États Africains est aussi défendue de plus en plus par le Président Macron à travers différentes sorties au moment où les bases militaires françaises sont maintenues. Et c’est M. Emmanuel Macron lui-même, Président d’un pays qui s’appelle la France qui nous informe qu’il y aura des réformes concernant cette présence militaire.
C’est donc lui qui décide du sort de militaires étrangers installés sur le territoire d’autrui comme il a eu à décider des réformes du Fcfa jusqu’à donner un nom à la nouvelle monnaie qui devra s’imposer à la politique monétaire d’États souverains. Quelle belle opinion de la souveraineté !

M. le Président Emmanuel Macron est une personne intelligente et dynamique. Mais il devrait arrêter de brasser du vent. L’Afrique n’a rien à voir avec l’idée qu’il se fait d’elle. Les Africains ne sont pas des ignorants qu’il faut berner par des discours et des activités de propagande d’une nouvelle collaboration trompeuse entre la France et certains pays africains.

Ses discours sur l’Afrique doivent refléter la réalité de ses actions et de celle de la France qu’il représente. Quand on déclare que c’est fini, il faudra qu’on observe que c’est bien fini.

Le dernier sommet France-Afrique organisé à Montpellier par le Président Macron avait révélé toute cette stratégie ridicule visant à berner les peuples africains en mettant leurs revendications dans la bouche d’une société civile choisie et en apportant des réponses purement populistes sans liens avec la réalité qui s’exprime sur le terrain des relations bilatérales.
(Les détails de mon intervention sur la question sur ce lien https://thiernobocoum.com/2022/03/30/cinq-enseignements-du-sommet-afrique-france-de-montpellier/)

Oui la France peut bel bien bénéficier de l’uranium, du pétrole, du gaz et autres ressources africaines en tant que partenaire privilégié sans avoir besoin d’avoir un rôle paternaliste. Il suffira juste qu’elle nous respecte en tant que Etats et peuples souverains et qu’elle engage des discussions franches dans le sens d’une collaboration saine et gagnant-gagnant.

La ruse ne servira à rien. L’Afrique d’aujourd’hui est éveillée et prendra son destin en main.

Thierno Bocoum
Ancien parlementaire
Président AGIR

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